Les aspirants au palais de Carthage déposent, à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 22 septembre, leur candidature auprès du siège central de l'Isie sis aux Berges du Lac. Le grand bal en prévision de l'élection présidentielle, dont le premier tour aura lieu le 23 novembre 2014, s'ouvre aujourd'hui et se poursuivra jusqu'au lundi 28 septembre. Les candidats au palais de Carthage aspirant au fauteuil de Moncef Marzouki, cette fois pour un mandat de cinq ans, sont appelés à déposer, à partir d'aujourd'hui, leurs dossiers de candidature auprès de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie). Et ce dans son nouveau siège central situé aux Berges du Lac, comme a tenu à le préciser Chafik Sarsar, samedi dernier, lors de sa conférence de presse pour annoncer le nombre des listes déclarées irrecevables aux législatives. C'est donc aujourd'hui que les Tunisiens sauront qui d'entre les quelque quarante candidats et candidates ayant déjà annoncé leur intention de briguer la magistrature suprême vont se présenter devant les locaux de l'Isie pour remettre leurs dossiers de candidature. Les dossiers — faut-il le rappeler — devraient être constitués des documents suivants afin d'être déclarés recevables : le parrainage signé d'au moins dix membres de l'Assemblée nationale constituante, ou quarante présidents de municipalité ou dix mille citoyens-électeurs. Le dossier de candidature attestant que le candidat s'est acquitté au nom de l'Isie d'un montant de dix mille dinars. Le décor étant planté, il s'agit maintenant de savoir quels sont les principaux candidats parmi les ténors du paysage politique national, les outsiders mais aussi les femmes qui se portent, pour la première fois dans l'histoire de la Tunisie, candidates à la présidence de la République. Si El Béji et les autres A la tête des ténors figure Béji Caïd Essebsi, président de Nida Tounès, qui a été le premier à annoncer sa candidature en créant la surprise, surtout auprès des membres du comité constitutif de son parti : ils ont appris la nouvelle en suivant sur Nessma TV l'interview de leur président. Et Béji Caïd Essebsi de confirmer sa candidature au nom de Nida Tounès quand plusieurs voix se sont élevées au sein du parti pour proposer la candidature de Mustapha Kamel Nabli, ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie. Dans une récente interview au magazine Leaders, le président de Nida Tounès a été on ne peut plus clair et précis : «A mon âge, quand on s'engage, on s'engage jusqu'au bout». Viennent, ensuite, Néjib Chebbi, président de l'Instance politique d'Al Joumhouri et éternel prétendant au Palais de Carthage, depuis l'époque de Ben Ali — la loi électorale avait été amendée spécialement pour l'empêcher de se présenter — et Mustapha Ben Jaâfar, président sortant de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et président d'Ettakatol, qui se présente comme le père de la Constitution du 27 janvier 2014, «l'une des meilleures constitutions dans le monde»... en oubliant cependant qu'il a apposé sa signature sur la défunte constitution en date du 1er juin 2012. Quant à Moncef Marzouki, le président sortant de la République, il se fait toujours désirer et personne ne sait encore s'il va se représenter ou non, y compris au sein de son propre parti, le Congrès pour la République (CPR). Le dernier conseil national du CPR tenu à Gafsa pour arrêter les listes de ses candidats aux législatives a, en effet, décidé de soutenir Marzouki au cas où il se porterait candidat. Dans le cas contraire, le conseil national tiendra une nouvelle session pour décider de son candidat ou d'un autre candidat à appuyer. Hamma Hammami, président du Parti des travailleurs et porte-parole du Front populaire, se porte lui aussi candidat à la présidentielle dans le but de «couronner, comme le disent ses partisans, sa longue carrière d'opposant farouche aux gouvernements de Bourguiba, Ben Ali et des Troïka I et II, avec en prime un programme économique que les experts du Front ont déjà mis en œuvre et qui est à la disposition de tous les intéressés. Et puis il y a les destouriens qui reviennent en force sur la scène politique nationale avec trois candidats, tous des anciens ministres de Ben Ali. D'abord, Kamel Morjane, président de l'Initiative, le seul parti à connotation destourienne à être représenté au sein de l'ANC avec cinq constituants. Ensuite, Abderrahim Zouari, ancien secrétaire général, à deux reprises, du RCD dissous, qui se présente au nom du Mouvement destourien présidé par Hamed Karoui, ex-Premier ministre de Ben Ali. Enfin, Mondher Zenaïdi, ancien ministre du Commerce à l'époque de Ben Ali, qui revient d'un exil volontaire en France dès les premiers jours de la révolution et qui a regagné Tunis après avoir été innocenté par la justice. Il se présente au nom d'un petit parti destourien, le Parti libéral néo-destourien. Kalthoum, Badra, Leïla et Emna Pour la première fois dans l'histoire de la Tunisie, quatre femmes ont annoncé leur intention de se porter candidates au palais de Carthage, considérant qu'il est temps que le pays soit gouverné par une femme. Kalthoum Kennou, l'ancienne présidente de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), qui déclare avoir sauté le pas en découvrant que les candidats déclarés «ne disposent pas de programmes à même de réaliser les objectifs de la révolution». Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études sécuritaires et militaires, est enseignante universitaire de sociologie, se déclarant experte en matière de sécurité et annonçant qu'elle dispose d'une approche globale qui pourrait éradiquer l'hydre terroriste. Leïla Hammami, enseignante d'économie au sein de plusieurs universités étrangères. Elle se présente comme indépendante, en comptant sur ses relations dans les milieux des affaires et de l'investissement à l'étranger, relations qu'elle a tissées, dit-elle, lors des différentes missions d'experte qu'elle a conduites dans plusieurs pays du monde. Enfin, Emna Mansour Karoui, présidente du Mouvement démocratique pour la réforme et l'édification (Mdre), qui déclare avoir obtenu 14.000 signatures soutenant sa candidature par «l'importance de consolider la présence de la femme dans les postes de décision». Des outsiders aux dents longues Dans la rubrique des candidats que l'on peut qualifier d'outsiders, ceux qui représentent de petits partis ou qui partent à la course en indépendants soutenus par certaines composantes de la société civile, on distingue quelques noms qui ont réussi à s'assurer une présence médiatique allant au-delà de leur poids réel ou de la force effective de leurs partis. Larbi Nasra, ancien propriétaire de la chaîne Hannibal et président du parti «La voix du peuple», se considère comme «le plus proche des couches défavorisées et le pionnier de la liberté de la presse grâce aux émissions audacieuses de Hannibal à l'époque de Ben Ali». Sa dernière œuvre : il vient de déclarer à un journal de la place qu'il n'a pas besoin de financement public ni pour sa propre campagne en prévision de l'élection présidentielle ni pour les candidats de son parti aux législatives. Abdelwaheb Heni, président du parti Al Majd, le parti que les Tunisiens ne connaissent qu'à travers la personne de son président, annonce sa candidature à la présidence de la République en se basant presque exclusivement sur les études et recherches que le centre Al Majd pour les études stratégiques a déjà publiées et sur sa présence assidue sur les plateaux de TV et de radio. Troisième larron, Jalel Brik, frère du journaliste contestataire Taoufik Ben Brik et chef d'un parti marxiste léniniste réputé pour ses vidéos très acerbes sur la vie politique nationale et sur les personnalités politiques, plus particulièrement celles apparues après le 14 janvier 2011, qu'il considère comme les fossoyeurs de la révolution. Enfin, Hachemi Hamdi, président de Tayyar Al Mahabba (ex-Aridha Chaâbia), qui sévit sur sa chaîne Al Mustakilla basée à Londres. Il se présente comme l'Erdogan de la Tunisie qui s'apprête à retourner au pays après plus de vingt ans d'exil en Angleterre afin de concrétiser le programme que ses constituants n'ont pas réussi à faire passer à l'ANC.