L'audace et le courage ont payé. L'équipe de Tunisie peut voir venir ... A quoi pense Fakhreddine Ben Youssef lorsqu'il frappe sur le poteau d'un Chérif Ikrami archi-battu un ballon pourtant facile à transformer puisqu'il se présente seul face aux buts grands ouverts ? L'heure de jeu est allégrement passée. La Tunisie déroule son jeu réfléchi, construit et déroutant pour son adversaire. L'Egypte s'enlise au contraire dans le bourbier d'un hourrah-football qui laisse froids les vingt mille spectateurs du stade de la Défense aérienne du Caire. Quelque huit minutes plutôt, l'attaquant du Club Sportif Sfaxien en voulait à l'arbitre gambien Bakary Gassama qui ne lui accorda pas un penalty lorsqu'il fut crocheté par le keeper des Pharaons qu'il venait de dribbler et se préparait à conclure. En parfait «uomo-squadra», le «Rouge» était de tous les bons coups. Aligné en attaquant de pointe, il reniflait l'odeur du but à coup d'accélérations dévastatrices, de grands ponts et de courses de sprinter. Déjà au premier quart d'heure, alerté par Msakni, il réussit un grand pont sur l'axe défensif adverse avant d'aller placer au 2e poteau un ballon imparable pour Ikrami. On revoit ses yeux qui lancent des éclairs de triomphe dans la nuit moite du Caire. Il venait de libérer les siens. Effet de surprise Mercredi, Ben Youssef a été le parfait symbole d'une équipe de Tunisie confiante, sûre de son fait sans tomber dans l'autosatisfaction, entreprenante et par moments même conquérante. «Aux entraînements, j'ai vu Ben Youssef en très grande forme, d'où ma décision de le titulariser», avoue le sélectionneur national George Leekens. «On n'a pas aligné un avant-centre classique afin de dérouter l'adversaire et créer l'effet de surprise par des balles dans le dos d'une défense lourde et manquant d'entente», renchérit son adjoint Ghazi Gheraïri. La trouvaille, c'était donc un Ben Youssef puissant et tonique à la pointe de l'attaque sans pour autant garder une position fixe. Ses dons athlétiques lui permettaient avec bonheur d'abattre ce travail de harcèlement et de sape sur la défense adverse, non en déviations et en jeu dans les 18 mètres comme l'avait fait Hamza Younès quatre jours plus tôt contre le Botswana, mais plutôt en venant de loin et en combinant (et en permutant parfois) avec Chikhaoui, Msakni et Khazri. A l'opposé d'autres sélectionneurs par le passé, Leekens n'a pas froid aux yeux. Au diable les tactiques frileuses et les calculs d'apothicaire ! Il fallait d'emblée prendre l'ascendant sur des Pharaons fragilisés plus que nous le pensions par la débâcle de Dakar, samedi dernier. Et profiter des espaces laissés libres par un ensemble qui allait naturellement attaquer mais dont on peut aisément deviner les graves carences au niveau du rythme et de la condition physique. On ne dira à cet égard jamais assez combien les quatre journées de championnat déjà dans les jambes de nos joueurs furent précieuses dans la tenue physique qui a permis de remporter des duels et de battre les hommes de Chawky Gharib au niveau des courses et du rythme. Les intentions furent vite concrétisées, les Aigles étouffant le rival et le prenant à la gorge durant au moins la première demi-heure. Avant de procéder à un repli dans les quinze dernières minutes du premier half, puis de gérer plutôt tranquillement la suite des débats. L'équipe de Tunisie n'a-t-elle pas trouvé là sa formule offensive idoine? En alignant un quatuor composé de Khazri, M'sakni, Chikhaoui et Fakhreddine Ben Youssef, soutenus par un latéral gauche très offensif, Ali Maâloul. Alors que son pendant sur le versant droit, Rami Bédoui, se contentait d'assurer des tâches défensives, les Aigles ont mis leur emprise sur un derby nord-africain où il n'est jamais facile de s'imposer sur le terrain de l'adversaire, sinon jamais. Pourtant, s'il y eut suffisamment d'équilibre, c'est surtout grâce au respect des fondamentaux, soit un minimum de travail de récupération et de replacement défensif demandé au quartet d'attaque qui, faut l'avouer, a consenti le sacrifice et les efforts nécessaires pour ne pas mettre en danger l'ensemble. On ne peut bien évidemment taxer Chawky Gharib d'avoir épousé une approche défensive, ni ses joueurs d'avoir été ridicules. En face, Leekens fut loin d'être stupide : réalisme, audace et rigueur ont marqué sa gestion d'un match fort probablement décisif dans le parcours du groupe G des éliminatoires de la CAN. D'ailleurs, beaucoup d'observateurs n'hésitent pas à dire que la Tunisie a mis mercredi soir un pied en phase finale au Maroc. Pourtant, fort raisonnablement, en vieux routier, Leekens rappelle que rien n'est joué et que le chemin est encore long et tortueux. A commencer par le bras de fer des ténors de la poule «G», le 11 octobre prochain à Dakar. Sénégal-Tunisie sent le soufre.