Par Slaheddine Grichi Jamais un président français n'a été aussi impopulaire : 88% de mécontents. Un record que M. Hollande risque de creuser à travers ce qu'il croit être sa planche de salut Un locataire de l'Elysée, aussi Hollande qu'il soit, ne pouvait l'ignorer. Lorsqu'on est l'objet de la fronde, d'une pression trop forte ou ouvertement d'un rejet, la solution la plus simple est de porter l'attention de l'opinion publique vers l'extérieur, quitte à créer un conflit ou même une guerre pour n'importe quel prétexte. Les Malouines hier, l'Ukraine aujourd'hui, malgré des variantes certaines et des enjeux hautement inégaux, en sont des cas d'école. Margaret Thatcher l'a reconnue. Poutine le fera peut-être un jour. A quelque chose, malheur est bon Décrié et en dégringolade dans les sondages d'opinion, François Hollande a trouvé dans la séquestration et l'assassinat de citoyens français par des groupes de l'Aqmi au Mali, l'occasion de redorer son blason. Sans vraiment engager l'armée française dans une vraie guerre, ni en nombre de soldats ni en moyens matériels et logistiques conséquents, il ne pouvait — et n'a d'ailleurs pas pu — remporter de victoire qui aurait pu lui faire gagner des points dans les sondages. Il fit encore moins en République centrafricaine, où il ne pouvait compter sur l'appui de l'Algérie qui a été présente dans les opérations au Mali. Aujourd'hui, que Daech — l'Etat islamique —, créée par la volonté occidentale de démanteler l'Irak et de mettre à terre le régime en place en Syrie, échappe à tout contrôle, fait preuve de désir d'hégémonie sur la région, défie ses «bienfaiteurs» et décapite leurs concitoyens de la manière la plus insolente et, surtout, la plus inhumaine, M. Hollande ameute le monde chez lui pour chercher les moyens à même de mettre fin à ce monstre aux tentacules devenues trop étendues et trop puissantes pour qu'un seul pays en vienne à bout. Seulement, le président français qui sait certainement par ses différents services, ceux de la 5e puissance mondiale qui n'en sera certainement plus une s'il continue à s'accrocher à ses choix, que la tête et le cœur de Daech sont en Syrie, persiste à croire en l'existence d'une «opposition modérée», au pays d'Echam, autre que les islamistes purs et durs. Il a même appelé, hier, devant ses invités du monde à la soutenir et à l'appuyer «par tous les moyens». De qui ou de quoi parlait-il ? De l'armée libre, faite de mercenaires et de déserteurs, appâtée par les pétrodollars qataris, dont plusieurs ont rejoint des groupes islamistes extrémistes ou carrément les troupes de Daech ? Ou visait-il les opposants de salons établis en France, à Londres et ailleurs qui n'ont plus aucun lien avec la réalité et le «terrain» syriens ? Ne courez pas plusieurs lapins à la fois, disent les bons chasseurs. L'obstination à se débarrasser de la menace islamiste en même temps que le régime de Bachar Al Assad, qui a tenu et qui tient toujours, relève du suicide. Elle risque fort de convertir la planche de salut en linceul. En effet, exception faite de la Tunisie, le vide en Libye, en Syrie, en Egypte ou en Irak ou même l'affaiblissement des régimes en place engendrera — pour l'instant — que l'émergence renouvelée de l'extrémisme religieux. Aujourd'hui Al-Qaïda — elle est toujours là — et Daech qui sont plus au moins contenues, même si elles menacent l'ensemble du monde arabe. Demain, le fléau pourrait être pire, si le monde se met à penser à la Hollande.