«Qu'elle est lourde à porter l'absence de l'ami... L'ami qui, tous les soirs, venait à cette table... et qui ne viendra plus, la mort est misérable... Qui poignarde le cœur et qui te déconstruit...», avait chanté Gilbert Bécaud C'est un poème qui, depuis samedi soir, tapissait les murs virtuels de ses amis totalement abattus à l'annonce de la disparition du comédien Abdelmajid Lakhal. On le savait malade, affaibli mais la mort était pour eux, encore lointaine. L'avenue Habib Bourguiba ne le verra plus la sillonner à pas rapides et sûrs, toujours élégant, bien sapé avec son nœud papillon et sa pochette écarlate. Il ne nous arrêtera plus sur le trottoir devant le café « l'univers » pour nous raconter ses projets, ses déboires, ses rêves d'artiste. Comédien de la troupe de la Ville de Tunis et metteur en scène auprès de ses camarades de plus d'une quarantaine d'années, Meherzi, Drissi, Kouka, Mouna Nouredine, Kasbaoui, El Joudi, Semlali père et fils et bien d'autres encore à qui il a donné la réplique. Il est aussi une figure de la télévision tunisienne, dans la peau de l'inspecteur de la série à grand succès des années 80 Ibhath maâna (recherche avec nous). Il portait si bien les allures princières dans la trilogie El Wathek billeh el Hafsi ou encore Yahia Ibn Omar. Au théâtre, il a marqué l'Histoire de notre 4e art avec des vaudevilles et des adaptations du répertoire classique : Le Marchand de Venise , Noces de sang, Une nuit des mille et une nuits, Bine Noumine (Entre deux songes), El Forja (Le Spectacle), La Jalousie, Volpone, Le quatrième monde, El Khsouma, Fine Essaada, (où est le bonheur ?), El Naoures (La Mouette). Le cinéma lui a souvent fait des cadeaux, des rôles secondaires mais très marquants, lui, il a apporté savoir-faire, justesse et beaucoup de professionnalisme. On attendait impatiemment son rétablissement pour lui réserver ces colonnes pour une longue interview pour qu'il partage avec notre lectorat les enseignements de cette longue et prolifique carrière, sa vision du monde et du métier. La mort nous a tous joué encore un mauvais tour. Adieu l'artiste, tu manqueras à beaucoup de gens du monde artistique et à ton public...