Malgré une loi «en contradiction avec le droit du citoyen à l'information», le manque de confiance, le risque de manipulation de l'opinion publique et l'absence de régulation du secteur, la Chambre syndicale nationale des institutions des études de marketing et des sondages d'opinion continue de défendre la profession La Chambre syndicale des bureaux de marketing et de sondage a clairement désapprouvé les dispositions interdisant la publication des sondages politiques, avant et pendant la campagne électorale. A l'occasion d'une rencontre de presse, Nébil Belaâm, président de la chambre syndicale, a souligné que cette disposition a été décidée sans aucune consultation avec la profession, en l'occurrence les instituts de sondage. Pis encore, les réticences, avis et positions de la Chambre n'ont pas été pris en considération. «La Tunisie est le seul pays au monde où on ne publie pas les sondages politiques au cours d'une campagne électorale. Et pourtant, ces sondages peuvent être un contrepoids aux pressions exercées par les différents lobbies. Sans compter qu'il s'agit là d'une information légitime et indispensable pour le citoyen », a déclaré Nébil Belaâm. Et d'ajouter : «Cette disposition du code électoral est en contradiction non seulement avec le droit du citoyen à l'information mais aussi et surtout à l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et aux principes fondamentaux de la justice». Préjudice aux petits partis Le président de la Chambre syndicale nationale des institutions des études marketing et des sondages d'opinion a précisé, par ailleurs, qu'une telle décision lèse les petits partis qui ne disposent pas de moyens financiers afin de commander des sondages politiques en interne, contrairement aux grands partis. A ce titre, il a annoncé que les grands partis sont informés au quotidien des intentions de vote, des attentes des citoyens ainsi que de leur positionnement sur la scène politique. Sans compter que le débat politique pendant la campagne électorale est galvaudé en raison de l'absence de chiffres. Cependant, nul ne peut ignorer que le sondage est en étroite relation avec la politique communicationnelle des partis, d'où l'existence d'un climat de manque de confiance entre médias, citoyens et instituts de sondage. Ces derniers ont été accusés d'évoquer des «erreurs voulues», de népotisme avec les forces politiques et financières, outre la fréquence de l'erreur au niveau du travail sur le terrain et de l'échantillon. Certains experts se sont même interrogés sur l'aptitude de certains bureaux à décrypter et à analyser scientifiquement les résultats des sondages. Charte déontologique A ces accusations, le président de la Chambre syndicale a précisé que le secteur compte une trentaine d'institutions de sondage avec des compétences et des certifications reconnues à l'échelle internationale. Il a, par ailleurs, reconnu l'importance extrême d'un secteur de sondages fort et organisé pour une Tunisie démocratique qui respecte le droit d'accès à une information véridique, loin de toute manipulation. Dans ce contexte, Nébil Belaâm a déclaré que l'un des objectifs premiers de la création de la Chambre syndicale est de réguler le secteur, de mettre en place une charte déontologique, des conditions strictes d'adhésion à la chambre. On ne se contente pas de dénoncer les dispositions du code électoral, loin s'en faut, précise Nébil Belaâm. On propose également des solutions adéquates. En effet, outre l'appel à la révision de la loi, la Chambre syndicale propose la création d'une commission de sondage composée de personnalités externes à la chambre, à l'instar d'universitaires, d'experts en statistiques, de représentants de l'Institut national de la statistique...Une commission dont le rôle est d'intervenir en cas de dépassement en matière de sondage politique public. Sans compter que la chambre aura, également, une mission difficile, celle de rétablir la confiance. Un travail de longue haleine qui exige du temps, certes, mais aussi et surtout de l'implication de toutes les parties concernées et de la persévérance. Dans ce contexte, la chambre a du pain sur la planche.