Quand on regarde la campagne électorale, on se dit «hamdellah», Dieu merci, nous ne sommes qu'un pays petit par sa superficie, uni, où il y a très peu de différences linguistiques, ethniques, confessionnelles. Sinon, avec une campagne pareille qu'est-ce que ça aurait été? La Tunisie a une grande chance. Elle a eu ses grands hommes qui l'ont façonnée, mais la géographie aussi y a pris part, celle-ci a été même déterminante. Notre pays est essentiellement fait de plaines, c'est bien cela qui a créé son unité très tôt dans le temps. Dans une société humaine, en revanche, il est normal d'avoir des différends. Le tout est dans la manière de les gérer. La démocratie consiste à prévoir des mécanismes qui permettent de les réglementer d'une manière pacifique et acceptée de tous. Dans cette campagne électorale, au contraire, les différends sont étalés, voire alimentés à longueur de discours. Certains n'ont pas hésité à diviser et remonter les Tunisiens les uns contre les autres, les régions les unes contre les autres, à la recherche de quelques dividendes. Des formations et des listes ont concentré leur discours sur la division et ses corollaires ; la lutte des classes, le régionalisme, voire la couleur de la peau par le biais de quelques malheureux raccourcis. Si le pays n'avait pas été unifié depuis des siècles, si nous avions de vraies différences ethniques, linguistiques et confessionnelles, on se demande si la Tunisie n'aurait pas été mise à feu et à sang, au cours et à cause de cette campagne. Parmi les théories de la haine diffusées par des candidats ou leurs porte-voix sur les réseaux sociaux, ceux qui ont la peau brune sont les habitants originaires du pays et ceux qui sont clairs de peau et des yeux sont les enfants des esclaves importées pour le plaisir des maîtres de l'époque?! Comment appeler cela ? De l'anthropologie à quatre sous? Un pays qui se situe sur la rive sud de la Méditerranée, qui est l'entrée du Maghreb et celle de l'Afrique, séparé de la rive nord de seulement 140 km, qui a vu se succéder plusieurs invasions et civilisations. Il est logique, scientifiquement prouvé, qu'il y ait pareil mélange génétique. Les événements récents des vingt dernières années du monde arabo-musulman ont montré qu'il n'y a pas pire que la division de la population sur la base des confessions, des ethnies et des tribus, et maintenant du facies ? ! Plutôt, donc, que de tribaliser la politique, de segmenter les Tunisiens, les candidats feraient mieux de baser leur discours sur la citoyenneté. C'est le seul ciment acceptable de notre chère Tunisie. D'autres formations politiques ont essayé, au contraire, de dépasser ce discours clivant et dangereux et d'unir les Tunisiens en interpellant l'identité tunisienne, chacune à sa manière, avec une évidente préméditation inclusive. C'est de bonne guerre. Seulement, la limite entre la création et le folklore n'est pas toujours évidente. Dans certaines campagnes, comme dans certains programmes TV, spécialement au mois de Ramadan, pour mémoire, s'était opérée souvent une fusion indigeste entre les deux niveaux. Dommage ! Si la volonté des concepteurs de campagnes électorales et de toutes sortes de productions est de glorifier la tunisianité à travers son patrimoine historique, culturel et artistique, cette recherche pourrait s'élaborer avec la contribution des artistes et intellectuels dotés d'une expertise en la matière, pour éviter les nombreux écueils posés par le folklore niais. Le but étant de dire et chanter la Tunisie, il faut que ça sonne juste. Tout n'est pas bon à prendre.