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Sport et télévision : la fin d'une idylle
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 07 - 2010

Par Azouz Ben Temessek: (Assistant en droit public à la faculté de Droit de Sousse)
Le poids des médias dans le sport est aujourd'hui patent, en particulier en ce qui concerne l'importance de la télévision. Depuis bientôt un quart de siècle, les chaînes ont assez largement contribué à engager le sport dans une spirale économique dont l'inflation salariale au niveau des joueurs et l'augmentation des droits de retransmission des compétitions constituent les aspects les plus visibles et les plus médiatisés. En réalité, les dérives produites par cette transformation médiatico-libérale du sport ne se limitent pas à ces évidences. Les violences et les manipulations auxquelles conduit l'inscription du sport dans les logiques télévisuelles ne se réduisent pas, du reste, aux seuls aspects économiques, même si très vite l'argent revient au centre des échanges.
Hégémonie de la propagande politique
La télévision a joué un rôle dans la propagande politique pratiquement dès sa naissance et son utilisation sur les aires sportives. Nous pourrions même dire que ces trois éléments : politique, sport et propagande, trouvent, dès les débuts de la télévision, à s'enrichir mutuellement. En Europe, l'instrumentalisation politique de la télévision s'opère sur fond de grandes manifestations sportives dont les olympiades de Berlin constituent le modèle de référence. En effet, le 23 mars 1935, à Berlin, l'Allemagne inaugure le premier service régulier de télévision dans le monde. La transmission se fait sur 180 lignes, à vingt-cinq images par seconde. Alors que les Etats-Unis, plébiscitant la culture radiophonique, hésitent à s'aventurer sur le terrain de l'innovation technologique. En Europe, les Jeux olympiques de Berlin de 1936 confèrent une légitimité, de nature politique, à la télévision. Aux foules berlinoises, privées de récréation sportive, le régime hitlérien offre, sur vingt-huit écrans placés dans les lieux publics de la capitale, le couronnement quotidien de ses athlètes. 150.000 personnes assistent quotidiennement à ces cérémonies.
Les faits appellent, immédiatement, deux remarques. Une telle utilisation télévisuelle du sport conjugue, en effet, deux facteurs importants qui ne révèlent leur violence qu'au travers de l'analyse et d'une lecture critique. D'une part, les fonctions de propagande politique et idéologique placent l'association sport et technologies nouvelles au service de la promotion d'un régime politique qui n'hésite pas à s'appuyer sur l'intérêt des foules pour le sport dans le but de légitimer son ascension et asseoir sa coupable idéologie. D'autre part, c'est bien la fonction «opium du peuple» qui se révèle être le deuxième aspect important de cette opération. La mobilisation sportive, augmentée technologiquement de l'image télévisuelle, décuplée par le miracle des écrans, occupe un nombre croissant de spectateurs, devenus téléspectateurs dociles.
Cette fonction de détournement s'est-elle évanouie avec le temps ? Il n'est qu'à se souvenir, pour répondre à cette question, des grands espaces dédiés à la transmission télévisée de la Coupe du monde de football qui ont mobilisé, pendant plusieurs semaines, des dizaines de milliers de téléspectateurs (en plus du petit écran et de l'assistance aux matches dans les stades), car, si politiquement les régimes sont heureusement incomparables, les fonctions occupationnelles et dérivatives du sport persistent. Le succès, par exemple, de la Coupe du monde de football en France, en 1998, est, certes, un succès sportif qui se double de multiples récupérations politiques (utilisation par le gouvernement de l'image sportive positive de la victoire de l'équipe de France présentée comme un modèle d'intégration et de solidarité par le sport). Surtout, l'instrumentalisation politique de l'image sportive par le pouvoir est concomitante au quadrillage médiatique qui a permis de couvrir largement le pays, mobilisant l'attention du plus grand nombre, intégrant les forces vives de la nation (y compris les intellectuels) dans une véritable communion, pendant que le champ politique continuait à fonctionner normalement et que les décisions politiques, souvent impopulaires, continuaient d'être votées dans un climat d'euphorie footballistique.
Dénaturation du message sportif
A un troisième et dernier niveau, plus proche du système sportif, niveau culturel de «politique sportive», nous pourrions ajouter que le sentiment donné par l'organisation télévisuelle du sport est bien celui de l'imposition, avec des moyens sans cesse renouvelés, de l'image sportive, laquelle constitue, en définitive, plus qu'une promotion du sport, une véritable réification de ses normes et de ses modes d'appréhension du réel qu'elle concrétise très expressivement dans des chiffres, des noms, des tableaux et des termes techniques, dans un système valable de mesure et d'appréciation.
Que chaque régime politique soit à même d'exploiter cette culture, cette vision normative du monde, de la compétition et du modèle sportif ne doit pas laisser indifférent. Il y a là, en effet, matière à engager de nombreuses réflexions critiques sur l'exploitation politique de la culture et de la mobilisation sportive. Inversement, l'identification des formes politiques au modèle sportif peut constituer, via la télévision et la maîtrise de l'image, un autre axe de réflexion, dans la mesure où cette superposition participe, clairement, de la propagande et de l'utilisation médiatique du succès sportif par le monde politique. Dans ce contexte, il faut ainsi se souvenir que le concept politique «Forza Italia» du parti au pouvoir de M. Berlusconi, en Italie, est directement emprunté aux slogans du milieu des supporters du football italien dont il est l'un des patrons de clubs.
Le message politique emprunte, donc ici, les voies de la culture sportive, elle-même largement diffusée et amplifiée par les canaux télévisuels. Une cinétique communicationnelle s'est ainsi organisée qui associe message politique et culture sportive et n'est rendue possible que par la surmédiatisation actuelle d'événements dont le téléspectateur a, sans doute, de plus en plus de mal à démêler les fils. La confusion entre le jeu sportif et le jeu politique est ainsi l'une des conséquences organisées par les effets des propagandes télévisuelles du sport, au risque de brouiller sévèrement les consciences et, donc, le jeu de la démocratie.
Dénaturation du spectacle sportif
La télévision modifie le spectacle sportif qu'elle reconfigure selon ses propres intérêts. Elle constitue, en définitive, un filtre puissant déformant la réalité. C'est l'importance financière des droits de retransmission qui conditionne l'existence de ces biais. En fait, la nature du marché des droits de retransmission produit nombre d'inconvénients qu'il convient d'identifier comme autant de violences produites à l'encontre du sport et des acteurs du sport (sportifs et spectateurs). Les producteurs de spectacles sportifs sont regroupés en cartels et représentés par les ligues nationales. Il en résulte un marché économique imparfait, très éloigné des règles de la concurrence pure, prônée par les économistes néoclassiques. C'est le consommateur final qui règle les frais de cette asymétrie. L'accroissement très important des droits de retransmission (chaînes cryptées, chaînes à péage, réseaux câblés) est ainsi supporté par l'abonné, par le consommateur des produits qui font l'objet de publicités lors des rencontres télévisées (le prix de la publicité télévisée ayant augmenté dans de fortes proportions, les entreprises le répercutent dans le prix de vente de leurs produits) ou par le contribuable (paiement de la redevance pour la télévision publique).
Dénaturation de l'esprit sportif
Il faudrait montrer, également, de quelle manière la médiatisation du sport, et pas seulement télévisuelle, participe d'une transformation potentiellement dangereuse de la vision de l'homme liée à un effacement des aspérités du sport au nom du «sportivement correct» et du «sportivement vendeur», notamment à travers la propagande commerciale et publicitaire.
La pensée unique, à laquelle renvoie, en l'espèce, l'effacement des aspects négatifs du sport, générateurs d'une mauvaise image (violences, tricheries, manipulations), trouve son complet épanouissement dans le message délivré par les grandes marques directement impliquées dans le sport ou constituant ses partenaires les plus fidèles. Le message sportif doit être vendeur, donc positif. L'esprit sportif s'incarne alors dans une représentation artificielle et trompeuse du monde du sport et du sportif. Il s'agit, par la pensée unique, dont le spectacle sportif serait la force énergétique et corporelle, de produire un homme mondial, flottant, immature, inculte, sans esprit critique et consommateur de biens et de services. Le message publicitaire devient quasiment une conscience qui se substitue à toute visée critique et participe à générer, dans le monde, une culture commune de consommation de masse dont la jeunesse, volontiers sensible aux héros et aux modèles auxquels elle s'identifie, friande de vêtements de marque et de nouveaux biens de consommation, est la première victime.
La transmission des valeurs et l'héritage de modèles culturels deviennent ainsi obsolètes pendant que la situation de la communication médiatique propose des messages simples de prêt-à-penser sportif, donnant l'illusion que le monde réel et ses scories ne sont qu'une illusion ou qu'un mauvais rêve. L'amnésie provoquée ou le conditionnement par l'image est, sans doute, parmi les premières violences que le système médiatique contribue à produire dans, par et autour du sport. Ces violences médiatiques participent à creuser l'écart entre un sport appréhendé dans sa nature humaine, populaire et accessible, comme un bien public inaliénable et le produit en voie de privatisation, soigneusement emballé, que se disputent âprement quelques groupes.


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