Presque 12 heures après la proclamation des résultats préliminaires des élections législatives, le mouvement Ennahdha a organisé hier à Tunis une conférence de presse en présence du président du mouvement, Rached Ghannouchi. Reprendre de l'espace après la mini-défaite aux législatives, c'était l'objectif de cette apparition médiatique. D'ailleurs, le «Cheikh» a tenu à l'affirmer: «Nous sommes dans une position telle que rien ne peut passer sans l'aval du mouvement Ennahdha». Une manière de mettre la pression sur les vainqueurs et de leur dire: «Vous ne pouvez pas ne pas composer avec nous». Lors de son intervention, Rached Ghannouchi a tenté de défendre le bilan de la Troïka en estimant que les gouvernements Jebali et Laârayedh ont réussi à «préserver l'Etat et les libertés». Il rappelle notamment que la coalition gouvernementale menée par Ennahdha a accédé au pouvoir dans un contexte particulièrement difficile. Toutefois, le chef historique du parti a reconnu que la neutralité des mosquées a affaibli l'électorat des islamistes. «Certains de nos amis ont constaté que les doigts de ceux qui fréquentent les mosquées n'étaient pas couverts d'encre électorale», a ainsi déclaré Rached Ghannouchi. Une peur bleue La victoire toute relative de Nida Tounès lors dans ces élections législatives fait craindre au parti le retour des années noires de l'islamisme politique. Le spectre des années 1990 reste très ancré dans la mémoire collective des islamistes. «Bien évidemment que nous avons peur pour les libertés dans ce pays, mais nous sommes convaincus qu'il n'y aura pas de retour en arrière et de retour à la dictature, a-t-il affirmé. De toutes les manières, nous allons continuer à soutenir les plus faibles, tout en restant ouverts à toute option convergeant avec les objectifs de la révolution». Signe que le parti n'entend pas lâcher du lest, Rached Ghannouchi a exprimé son refus de voir la justice transitionelle menacée par une quelconque révision des prérogatives de son instance. «Nous la défendrons!», a-t-il insisté. D'un autre côté, Rached Ghannouchi a envoyé des signaux en direction du centre, en exprimant la solidarité de son parti avec les grands perdants des élections législatives. «Dans deux jours, la campagne présidentielle débutera , nous n'avons pas notre propre candidat, mais le mouvement est concerné, nous étions préoccupés par les élections législatives. Nous sommes en phase de consultation avec nos bases, nous tenons en fin de semaine le conseil de la Choura», a expliqué Rached Ghannouchi qui a rencontré hier en tête à tête son ex-allié, Mustapha Ben Jaâfar. Cependant, l'alliance avec Nida Tounès n'est pas complètement écartée et le Cheikh réaffirme dans son discours «l'ouverture de son parti sur tout ce qui peut faire réussir la démocratie». «Nous avons déjà insisté sur le fait que la Tunisie ne peut être gouvernée avec 51% mais par consensus», a-t-il dit.