Les élections législatives et présidentielle tunisiennes version 2014 feront date. Outre le privilège d'antériorité, elles dévoilent — mettent à nu dirions-nous — la classe politique tunisienne dans tous ses états. Côté communication des vingt-sept candidats à la présidentielle, on n'est guère mieux servi. Un véritable manuel de ce qu'il ne faut pas faire en somme. Et pour cause. Qu'on en juge. L'ouverture de la campagne, dès avant-hier, s'est distinguée par des bas plutôt que par des prouesses. A quelques rares exceptions près, c'est le cafouillage et le mélange des genres. D'abord, la symbolique des lieux des meetings, ou plutôt des semblants d'attroupements sur la voie publique pour certains candidats. Cimetières, ronds-points, salles de cinéma vétustes et exiguës et foule de trouvailles tantôt rocambolesques, tantôt inappropriées. Ensuite la campagne d'affichage. Les photos de certains candidats collent mieux à l'image de jeunes premiers en herbe, pour la plupart grisonnants et les cheveux poivre et sel, qu'à des porteurs de projets via des slogans de campagne pertinents. La visibilité desdits candidats y perd en teneur et en épaisseur. A telle enseigne que, dans tel quartier huppé du côté du lac de Tunis, les affiches de réclame d'un chanteur en herbe se sont subrepticement glissées parmi les affiches-photos des candidats, sans que personne y ait trouvé quelque anachronisme. Côté interventions radio et télé, c'est l'écho des résonances creuses. Un véritable condensé d'inconsistance, à quelque exception près. «Le secret d'ennuyer est celui de tout dire», a dit Voltaire. Et il a raison. Pas plus tard qu'hier, un candidat s'est emmêlé les pinceaux en assimilant la relance économique et sociale au costume de ville qui sied à une réception. Et à l'entendre, les priorités et urgences seraient comparables à des moutons dont il faut sauver quelques-uns et laisser mourir les autres ! Un ordre de préséance de la mort annoncée en somme. Jusqu'ici, il n'y a pas de joutes et confrontations directes entre les candidats. Mais ils ne s'en interpellent pas moins à distance. Dans la crispation, voire l'invective dans la plupart des cas. Les uns crient au loup, d'autres dansent avec les loups et d'aucuns évoquent les moutons de Panurge. Dans tous les cas de figure ou presque, l'esprit de concurrence saine et loyale fait défaut. A en croire qu'il s'agit d'une foire d'empoigne plutôt que d'une classe politique. Last but not least, les slogans de campagne fédérateurs font défaut. C'est plutôt l'esprit de clocher qui prime, sur fond de provincialisme, voire de régionalisme patenté dans les semblants de discours. Le ressassement des cas pourrait s'apparenter à une litanie. Récurrence des faits oblige. Deux phénomènes frappent. La majeure partie des candidats sous-estiment et la fonction présidentielle et les subtilités de la communication politique. Il faut s'abstenir de communiquer dès lors qu'on n'a rien à dire. Parce qu'on n'est guère mieux desservi que par une communication contre-productive. C'est le b a-ba du genre. D'autre part, par essence, un président de la République doit impérativement incarner la nation. Il doit avoir cela à l'esprit à tout instant, en période de campagne électorale de surcroît. Il se doit d'être rassembleur. C'est la fatalité de la fonction en quelque sorte, par-delà les clivages, les chapelles et les partis pris partisans forcément réducteurs en la matière. Bref, c'est le bal des vampires. Et le festival de l'insignifiance. En attendant la mêlée générale pour le fauteuil de Carthage.