Les couches défavorisées subissent de plein fouet la cherté de la vie et ont de plus en plus de mal à subvenir à leurs besoins primaires. EIles s'approvisionnent essentiellement dans les marchés populaires ! 10h00, heure de grande affluence pour les ménagères. Le souk s'étend sur un long couloir étroit où les marchands de friperie côtoient les vendeurs de légumes et les bouchers. Ici, contrairement au marché central, le grand désordre règne et les étalages obéissent à la baraka d'Allah . «Ce sont surtout les pauvres qui fréquentent ce marché», indique un vétéran du souk. La laitue se vend à 200 millimes. Les tomates et les piments affichent 660 millimes le kilo, ce qui est un prix abordable pour les couches moyennes et modestes, relève un vendeur de légumes. «Pour 5D, le pauvre fait ses emplettes». Une étude révèle qu'en moyenne, l'Algérien et le Marocain consacrent plus de la moitié de leurs dépenses à l'alimentation, alors que le Tunisien y consacre seulement 43%. Cette différence signifie-t-elle que la population en Tunisie arrive à satisfaire correctement ses besoins en nourriture? Loin de là: la population défavorisée ne cesse de croître en Tunisie. Les Tunisiens consacrent près de la moitié de leurs dépenses mensuelles à l'alimentation, à cause non seulement de la hausse du prix des denrées alimentaires, mais aussi parce qu'ils doivent faire face à d'autres charges, telles le payement des crédits, du loyer, des factures, des cours particuliers... Bilal est marchand de poulets. Il connaît tous les coins du souk. Il révèle qu'il y a une poubelle derrière le marché qui sert d'approvisionnement pour les plus pauvres, ceux qui n'ont pas du tout de revenus. «Chaque jour, une mère de famille passe à 6h00 pour faire les poubelles. Elle ne rate aucune journée. Elle m'a confié qu'elle se nourrit des restes abandonnés par les marchands». Chez lui, le poulet se vend à 4D et une carcasse à 1D,200. «C'est le poulet favori des pauvres. Ils le préparent dans une soupe. Une carcasse c'est normalement la nourriture qu'on donne aux chiens, alors qu'il y a des familles entières qui s'en procurent pour les donner à manger à leur progéniture», commente encore Bilal. Le foie se vend à 4D,800 le kg, alors que les ailes (jweneh) de dinde s'écoulent à 2D,500 le kg. Les légumes et les fruits sont abordables à Bab El Fella : un kg de raisin se vend à 1D,200, les pommes de terre se vendent à 350 milimes le kg, l'oignon à 1,D180, les petits pois à 1D,800 le kg, le persil à 660 millimes et la menthe à 100 millimes. Sofia est femme au foyer. Elle déclare qu'elle consacre 5D pour les légumes et fruits et 3D pour le poulet. Elle s'estime heureuse par rapport à Ali, chômeur de son état, qui se procure des carcasses pour la nourriture de ses trois enfants. «La vie est trop chère, je n'ai pas de boulot, je me rabats sur les légumes les moins chers», soupire Ali. Bab El Fella constitue à n'en point douter un lieu d'approvisionnement pour les couches défavorisées.