On pressentait une réaction des terroristes à l'opération sécuritaire réussie de Oued Ellil. Et ce sont cinq de nos braves soldats qui ont donné leur vie pour la liberté et la dignité à un moment où nos hommes politiques continuent leur fuite en avant préférant se faire la guerre, par médias interposés, et occuper leur temps à des calculs étriqués sur les futures alliances impossibles et sur le partage du butin né de la journée du 26 octobre dernier. Le retour à la réalité a été dur et effroyable dans la mesure où les terroristes n'ont pas déchanté comme certaines déclarations précipitées débitées par certains responsables et aussi certains spécialistes qui nous rassuraient béatement que «les semeurs de mort» sont désormais aux abois et que leurs jours sont comptés. Et comme un malheur ne suffisait pas, il fallait qu'on nous lance au visage la misère affligeante dans laquelle pataugent toujours nos hôpitaux, plus particulièrement dans les régions les plus exposées aux opérations terroristes, Le Kef, Jendouba, Kasserine, Sidi Bouzid. Hier matin, le ministre de la Santé, Mohamed Salah Ben Ammar, est revenu sur les ondes de Radio Mosaïque sur la ritournelle question du manque de médecins spécialisés dans les hôpitaux régionaux, raison pour laquelle les soldats blessés acheminés à l'hôpital du Kef n'ont pas reçu les soins qu'il faut au moment qu'il faut. La faute revient — avons-nous compris — aux gouvernements de la Troïka qui n'ont pas réussi à imposer aux médecins spécialisés d'aller exercer dans les régions. Le comble, même ceux qui y exerçaient sont partis et n'ont pas été remplacés. Un discours malheureux qui voulait justifier l'injustifiable et qui n'est parvenu, à la fin, qu'à exacerber davantage les tensions qui continuaient à couver en silence puisque les médias qui dévoilaient jusqu'ici tout ont fait une halte, élections législatives et présidentielle obligent. Et comme l'on s'y attendait, la machine communicationnelle des partis politiques, des organisations et des associations de la société civile s'est vite remise en branle pour pleurer les nouveaux martyrs, stigmatiser les dysfonctionnements au sein du dispositif sanitaire et appeler les Tunisiens à se mobiliser encore plus pour faire face au terrorisme. Du côté de l'Ugtt, on insiste «sur l'urgence de fournir aux établissements de santé dans les régions sinistrées le matériel médical nécessaire» et sur l'impératif «de soutenir nos forces de l'armée et de la sécurité dans leur combat contre les ennemis de la vie». L'Utica, les comptables, la Cgtt, l'AMT, le Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri) se sont invités, eux aussi, au débat pour dénoncer «une tentative désespérée de faire échouer le processus transitionnel national» et exprimer leur conviction qu'il est plus que jamais temps que «se renforce la cohésion nationale autour de nos forces armées décidées à défendre les valeurs de la République». En attendant du concret, la Tunisie endeuillée a enterré, hier, ses martyrs dans une ambiance délétère marquée notamment par la nouvelle bourde commise par un quotidien de la place qui n'a pas hésité à publier sur sa une la photo de l'un des martyrs du Kef, faisant fi des règles les plus élémentaires du respect de la dignité humaine. Le prestige de l'appareil militaire préservé Sur le plan communication, la petite éclaircie saluée, à sa juste valeur, à l'occasion de l'opération sécuritaire de Oued Ellil a disparu subitement et les téléphones étaient, hier, aux abonnés absents, comme si l'on avait décidé que les réseaux sociaux pouvaient faire le travail. Du côté du ministère de la Défense nationale, on a pris la décision de porter plainte contre le journal ayant publié la photo du martyr et on assure dans une déclaration publiée, hier, que «toutes les mesures juridiques seront prises pour préserver le prestige de l'appareil militaire et remonter le moral de ses membres et de leurs familles». A Tinja, dans le gouvernorat de Bizerte, six individus extrémistes ont été arrêtés pour avoir fêté l'assassinat des cinq martyrs du Kef. Encore plus affligeant, ils célébraient l'ignoble assassinat «dans une mosquée, à la suite de la prière d'El Icha, mercredi soir». De son côté, la cellule de crise présidée par Mehdi Jomaâ, chef du gouvernement, a tenu, hier soir, une réunion au cours de laquelle il a été procédé à l'examen des circonstances l'opération terroriste du Kef. «L'Etat tunisien, avec toutes ses structures et appareils, citoyens en tête, demeure un rempart infranchissable face à toute tentative lâche visant la sécurité de la Tunisie et sa stabilité», souligne, en particulier, la déclaration publiée à l'issue de la réunion de la cellule de crise.