Noura Borsali a beau emboîter le pas à Khemaïs Chamari et Azouz Chaouali en claquant la porte, l'Instance vérité et dignité entrera en fonction le 1er décembre prochain. Idem pour la réception des dossiers des victimes de la dictature. Dans la foulée de la campagne électorale en vue des législatives, en suivant l'opération de vote le 26 octobre dernier puis dans le feu de l'élection présidentielle, tout le monde a semblé donner l'impression qu'il y a un dossier qui ne suscitait plus d'attention ou d'intérêt. Il s'agit du démarrage des activités de l'Instance vérité et dignité (IVD) censée réparer les injustices de l'époque révolue et dédommager les victimes de la répression et de la dictature ainsi que les régions ayant souffert longtemps d'un déni de développement caractérisé. Mais voilà au moment où Sihem Ben Sedrine, présidente de l'Instance, se prépare à donner le 10 décembre prochain une conférence de presse pour annoncer, en concomitance avec la célébration de la Journée mondiale des droits de l'Homme, l'entrée en fonction de l'instance et l'ouverture de la réception des dossiers des victimes, une affaire éclate au sein du conseil de la direction de l'IVD risquant de bloquer ses travaux avant qu'ils ne démarrent. Noura Boursali, universitaire, militante féministe de la première heure et ancienne membre de l'Instance de réalisation des objectifs de la révolution (Instance de Yadh Ben Achour), vient de claquer la porte du conseil de direction de l'IVD arguant qu'elle n'est plus en mesure «d'accepter les pratiques antidémocratiques de la présidente de l'Instance qui gère à sa manière l'instance en n'écoutant personne parmi les membres du conseil de direction». Au-delà de la réalité des motifs qui ont poussé Noura Boursali à tirer sa révérence, la question qui se pose est de savoir si l'Instance vérité et dignité démarrera effectivement ses activités le 1er décembre prochain comme prévu, au regard de la cascade de démissions qui ont touché l'Instance, puisque déjà Khemaïs Chamari et Azouz Chaouali se sont retirés. Contactée par La Presse, une source juridique précise : «Il faut indiquer d'emblée que la démission de Noura Borsali ajoutée à celles de Chamari et Chaouali ne peut pas influer sur l'action de l'Instance qui peut entamer ses fonctions à la date prévue dans l'attente de l'élection de ceux qui remplaceront les membres démissionnaires. Mais il existe une problématique : est-ce que le nouveau Parlement a l'attribution de désigner un remplaçant à Noura Borsali du moment qu'elle a été élue par l'Assemblée nationale constituante (ANC). Et ça devient plus complexe quand on sait que les pouvoirs de l'ANC ne sont pas transférables au nouveau Parlement. L'ANC, défunte de facto mais toujours vivante, a des pouvoirs plus étendus que la nouvelle Assemblée des députés du peuple». La même source poursuit son analyse : «La démission de ses trois membres (même s'ils ne sont pas remplacés d'ici le 1er décembre) n'arrêtera pas le démarrage de ses fonctions à la date déjà programmée. Le droit a octroyé, en effet, à l'Instance vérité et dignité une autonomie qui lui confère une indépendance la rendant indépendante de ses membres». Oui pour les améliorations Si du côté juridique, les choses sont claires comme l'eau de roche, du côté de celui des associations de la société civile spécialisées dans le suivi de la justice transitionnelle, on reste aux aguets pour ce qui est de certaines voix qui ont déjà commencé à appeler à la révision de la loi portant création de l'Instance vérité et dignité et sont allées jusqu'à la considérer comme anticonstitutionnelle. Et les déclarations attribuées à Béji Caïd Essebsi, président de Nida Tounès, qui aurait laissé entendre qu'il y aura du nouveau pour ce qui est de la justice transitionnelle, ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Le Réseau tunisien pour la justice transitionnelle piloté par le Dr Kamel Gharbi, qui a accompagné le processus de création de l'IVD durant toutes ses phases, s'est déjà élevé contre les déclarations de Caïd Essebsi. «Pour nous, il s'agit d'une instance constitutionnelle issue de l'Assemblée nationale constituante et il n'est pas question qu'on revienne sur sa création sous n'importe quel prétexte. Il est impératif que la Tunisie respecte ses engagements nationaux et internationaux en matière de justice transitionnelle. Et s'il y a des nouveautés à introduire, il faudrait qu'elles aillent dans le sens de l'amélioration des dispositions de la loi, à travers les textes d'application», clame le Dr Gharbi. Il est à relever que le conseil de direction de l'Instance se penche actuellement sur le parachèvement du règlement intérieur. L'Instance prendra possession de son siège central à Montplaisir d'ici fin décembre prochain au plus tard. Les membres des sections régionales seront recrutés à la suite de la publication du règlement, fin décembre, du règlement intérieur dans le Journal officiel de la République Tunisienne.