Par Khaled TEBOURBI Nonobstant le moment politique, le débat sur les arts et la culture ne « démord » pas,loin s'en faut. Il y a de l'actualité, bien sûr : JCC, JMC et quelques événements périphériques, ici et là, mais l'intensité qui caractérise certains propos et certaines prises de positions d'artistes et de responsables culturels surprend quand même, si elle ne réjouit, en fait, par comparaison avec la fatuité de nombre de «campagnes politiciennes». La 25e édition des JCC est déjà au centre d'une polémique. A seulement une poignée de jours de l'ouverture, c'est un peu désolant. Le problème soulevé par la Chambre syndicale nationale des producteurs de longs métrages concerne la sélection jugée « défavorable» aux films tunisiens,et « ne cadrant ni avec les efforts de l'Etat et des professionnels du secteur ni avec les orientations du festival ». Indépendamment de la validité ou pas de l'argument, on peut s'interroger sur le «timing» choisi. Les «contestataires » pouvaient parfaitement intervenir un peu plus tôt. La directrice Dorra Bouchoucha le souligne, du reste, dans sa réponse, rappelant, entre autres, «qu' un seul représentant de la chambre syndicale était présent lors de la discussion de la composition du comité de sélection des films....et qu'au surplus il n'y aurait pas eu la moindre réaction depuis... » Dès lors, « pourquoi maintenant ? ». Notre avis (à dire vrai) est que partout où il y a formule des « journées » il n'y a pas, il n'y a plus, forcément accord entre les institutions et les corporations. Pourquoi ? Pour ce qui est du cinéma, on croyait ce « clivage » depuis longtemps résolu. On était même convaincu du contraire : que les JCC et le cinéma tunisien avaient définitivement raccordé leurs voies et tracé des objectifs communs. Les JCC, pensait-on, avaient pour rôle de renforcer le crédit local du cinéma tunisien en l'intégrant à sa mouture, d'abord arabe et africaine,ensuite méditerranéenne et internationale. Le cinéma tunisien , pour sa part, devait profiter de cette « offre » pour réussir sa mise à niveau. Et cela avait porté ses fruits, pratiquement d'emblée. Le niveau de nos films avait vite progressé, accompagné de présence et de succès tant aux JCC mêmes que lors d'importantes joutes continentales, voire, parfois, mondiales. Les JCC,ce faisant, y ont beaucoup gagné. Elles sont devenues un produit couru et reconnu, adossées, qui plus est, à une production nationale compétitive et frayant avec les normes cinématographiques consacrées. Que se passe-t-il, dès lors (que s'est-il passé), pour que cette belle et fructueuse entente en soit venue à vaciller ainsi ? Une réponse,une seule, croyons-nous,valable pour tous les secteurs concernés :nos arts s'appauvrissent, à vue,et conjointement : en termes de ressources matérielles, comme en termes de réflexion, de pensée et de stratégie. Il semble, hélas,du moins dans le cas de la Tunisie post- révolutionnaire,qu'il s'agisse «d'effets indissociés ». Quand l'argent manque, la culture régresse ipso-facto. Ailleurs ce n'est pas, «forcément», une «équation fatale», voire c'est souvent motif à surpassement,et à un fort regain de volonté. Ici, malheureusement, c'est,vite, occasion ou(et)prétexte à remises en cause,à déprimes et à « suspicions ». La Chambre syndicale des producteurs s' empresse de mettre en avant «les intérêts stricts» des films tunisiens, elle en fait même la « priorité des priorités » tant du point de vue de « l'Etat » que de celui des «JCC » (qu'elle intitule « Festival » : lapsus signifiant !!), mais en adoptant cette attitude, alarmiste(admettons-en le bien-fondé), elle se place, résolument ,dans la simple posture de la « quête des moyens », écartant totalement tout le parcours accompli aux côtés des journées. Toutes réalisations comprises :l'intégration au circuit international, le bond qualitatif subséquent, le niveau intellectuel et l'orientation culturelle du cinéma tunisien. Bref,tout l'acquis historique des JCC occulté, subitement, dans une sorte d'amnésie « brutale », pour la seule et unique raison (non avouée) que les affaires de la culture, et tout particulièrement du cinéma, vont mal, à l' instar de toute l'économie du pays. Un secteur et une profession, qui ont respecté et maintenu une vocation éminemment culturelle, un demi-siècle durant, n'abandonnent pas leurs grandes valeurs et leurs grands choix à la moindre petite crise et avec cette facilité. La crainte, aujourd'hui, est que cette mentalité « impulsive », fondée sur de « fausses priorités », contamine l'ensemble des acteurs culturels. C'est d'autant plus une éventualité que c'est le cinéma, secteur évolué par excellence, qui semble comme montrer « le mauvais exemple ». On en entrevoit,un peu,l'exemple (proche?) à travers ce qui se passe pour la deuxième édition des «Journées musicales de Carthage ». Là,de même, l'opposition se profile, entre un milieu de la chanson en perte de moyens et des JMC qui cherchent à trouver des solutions de fond à l'ensemble de la musique tunisienne. Entre de simples « intérêts catégoriels » et un projet qui peut « rehisser » la création musicale et la pratique musicienne aux niveaux culturels auxquels elles ont toujours appartenu.