La chambre syndicale nationale des cliniques privées de dialyse appliquera, à partir du 1er janvier 2015, la tarification syndicale estimée à 150dt pour la séance de dialyse. Plus qu'une décision, il s'agit de l'ultime recours, pour les cliniques privées de dialyse, leur permettant de surmonter le blocage financier qui perdure depuis des années. Entre faillite imminente et décision draconienne, la chambre syndicale opte pour la deuxième alternative. La fixation de la tarification syndicale de la séance de dialyse vient en contre-réaction au mutisme, voire à la démission insondable des parties concernées. Depuis 37 ans, les cliniques privées de dialyse garantissent aux insuffisants rénaux des prestations sanitaires de pointe, car fort risquées. Parallèlement, la tarification conventionnelle de la séance de dialyse, elle, n'a pas bougé d'un cran, car figée à 89dt. Pourtant, la réglementation établie en 1977 par un arrêté ministériel exige une révision régulière de la tarification, conformément notamment aux changements naturels du volume des dépenses, de la charge salariale et du niveau de vie de la population. Chose qui n'a jamais eu lieu. Aujourd'hui, les cliniques privées de dialyse sont en mal de résistance. Contraintes à offrir aux malades des prestations de qualité, elles sont privées, en contrepartie, des compensations qui leur reviennent de droit. Le Dr Tarek Enneïfer, président de la Chambre syndicale nationale des cliniques privées de dialyse, exprime, au nom des 99 propriétaires de cliniques privées, le ras-le-bol des prestataires de soins. «Depuis des années, nous interpellons, sans relâche, les parties prenantes dans l'espoir de trouver une oreille attentive et des mesures salvatrices et, à chaque fois, nous ne recevons que des promesses sans suite aucune», indique le responsable de la Chambre syndicale. La Cnam, responsable du blocage ! En 2006, la Cnam et les prestataires de services ( les cliniques privées de dialyse) avaient signé une convention-cadre suite à laquelle une convention sectorielle serait à établir afin de réglementer les engagements de chaque partie. Et ce n'est que quatre ans plus tard (en juin 2010) que le projet de la convention sectorielle a, finalement, vu le jour. Ce projet impliquait l'élaboration d'une étude déterminant les jalons de la tarification des séances de dialyse. «Depuis 2010 et jusqu'à nos jours, cinq études ont été élaborées sans qu'aucune ne soit bénie par l'ensemble des parties prenantes. La dernière, d'ailleurs, date du 18 octobre 2013. Elle a été concoctée par le ministère des Affaires sociales, la Cnam, le ministère de la Santé et la Cnss. La Chambre syndicale a été empêchée d'y participer», indique le président de la Chambre syndicale. L'étude a été réalisée à partir des données relatives à 2012. Après huit mois d'élaboration, le coût de la séance de dialyse a été comptabilisé à 100d800, et ce, sans prendre en considération les frais de transport, ni la marge bénéficiaire et encore moins les impôts. D'où un déficit de près de 18dt par séance, estimé par la Chambre. «Cette étude, réalisée d'une manière tout à fait collégiale ne prend pas en considération les innombrables charges des cliniques privées, dont le prix en hausse du matériel médical. La masse salariale engloutit, à elle seule, le tiers du coût, sans compter les indemnités de transport et celles de risque», indique le Dr Enneifer. Il ajoute : «Pis encore : cette étude, tout comme les quatre précédentes, a été refusée — cette fois-ci — par l'Ugtt. N'ayant pas participé à cette étude, l'Ugtt s'est obstinée à priver les prestataires de services de leur droit à l'augmentation tarifaire. Nous avons renégocié avec la Cnam, lors de deux réunions, en vain. Aujourd'hui, elle nous refuse toute audience... La Cnam bouche ainsi toute issue, sous prétexte d'un déficit budgétaire l'empêchant de compenser la différence tarifaire». La Chambre syndicale avait annoncé alors une grève, puis menacé de fermer toutes les cliniques privées ; deux moyens de pression qui n'avaient aucunement inquiété les parties prenantes, «comme si la vie des patients était insignifiante, comme si les cliniques privées de dialyse étaient condamnées à servir de bouc-émissaire de tout un système, à endosser, seules, une faillite imminente», souligne le Dr Enneifer. Manifestement, les parties prenantes ainsi que l'opinion publique placent les cliniques privées de dialyse en position de redevance intransigeante, fondée sur l'aspect humanitaire des prestations. Une redevance à laquelle correspond une compensation défaillante. «En 1977, lors de la fixation, par un arrêté ministériel de la tarification à 89dt, le salaire d'un employé était de 55dt. Aujourd'hui, nous assistons à des augmentations salariales annuelles de l'ordre de 6% sur un salaire minimal de 700dt. La tarification, elle, se trouve figée à 89dt», renchérit le responsable perplexe face au désengagement des parties concernées. D'autant plus que les cliniques privées se trouvent dans l'incapacité de subvenir aux diverses charges, dont l'augmentation du coût du matériel indispensable à l'hémodialyse. Faute de moyens, ces cliniques ne parviennent plus à retenir leur personnel qui préfère intégrer des institutions plus sûres. Chose qui se répercute sur la qualité des prestations, assurées par des débutants. «Nous ne cherchons aucunement à prendre en otage le patient. Ce dernier, nous le considérons plus que quiconque. Nous avons assuré, sans que cela ne soit exigé par la loi, des prestations d'ordre social, à titre purement gracieux comme le transport, le goûter, etc. Sauf que nous nous trouvons dans l'impasse et nous ne pouvons plus supporter, seuls, ce fardeau plus longtemps. C'est au patient, dorénavant, de choisir entre le privé et le public. Il peut interpeller la Cnam afin qu'elle daigne compenser la différence tarifaire. Pour ce qui est de la Chambre syndicale, elle n'interpellera plus personne. D'ailleurs, une assemblée générale se tiendra dimanche 30 novembre, au cours de laquelle, il sera officiellement décidé de la tarification syndicale», conclut le Dr Enneifer.