Le ministère de la Culture précise que le film a obtenu le visa d'exploitation depuis le 17 novembre 2014... Le film Conflit de Moncef Barbouch est un long métrage de fiction qui soulève une certaine polémique ces jours-ci sur les réseaux sociaux et dans certains cercles cultivés ou autres. Nous nous sommes intéressés à la question pour connaître un peu le fond du débat où l'on mentionne, à tord ou à raison, le terme de «censure». Est-il encore possible de parler de censure après une révolution qui, somme toute, a libéré la parole et les expressions parfois à l'excès ? Parce que si on commence par censurer le film de Moncef Barbouch, c'est toute la profession qui serait menacée et dans ce cas, c'est au cinéaste de se mobiliser contre un tel acte aujourd'hui impensable. Il convient d'abord de parler du sujet du film : Conflit essaie de reprendre et de documenter une page importante et non négligeable de l'histoire de la Tunisie : Les islamistes sous le régime Ben Ali et la tyrannie de ce dernier vis-à-vis d'eux : torture, déchirement familial, mais aussi résistance et solidarité de la part des islamistes en question. A notre sens, il est essentiel de s'intéresser à cette page de notre histoire et de ne pas la jeter dans les oubliettes car on a besoin de cette «thérapie» quelque part pour construire une démocratie. Nous nous sommes posé d'abord une question très basique. Qui, à part le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine a-t-il le pouvoir de censurer un film en lui refusant un visa d'exploitation ? Pour la direction des arts scéniques et des arts audiovisuels au ministère de la Culture, il n'est nullement question de censure et nous avons même obtenu une copie du visa d'exploitation commerciale du film délivrée le 17 novembre 2014 en réponse à une demande déposée le 12 novembre 2014 par le distributeur du film Quinta communication de Tarak Ben Ammar. Nous nous sommes alors adressés à la représentante du distributeur qui nous a déclarés «Il ne s'agit en aucun cas de censure, nous avons voulu sortir ce film après les élections présidentielles pour qu'il ne soit utilisé à des fins électorales. Et si on considère qu'il y a un retard dans la sortie commerciale, cela est dû au planning surchargé des salles, donc nous avons préféré reporter la sortie. On aurait pu faire une conférence de presse mais à quoi cela aurait servi si on doit attendre encore un mois pour trouver des salles disponibles ?». Voilà qui nous éclaire un peu plus sur la situation. Résultat des courses, le film sortira sur nos écrans dès que les salles seront disponibles. Le producteur du film et en l'occurrence son réalisateur auraient fauté en faisant le choix de signer avec un distributeur qui ne dispose pas de salles pour la sortie du film ? Ce qui laisse le film à la merci des exploitants de salles qui ont leur choix, leur vision et leur logique de programmation. Mais au-delà de toute lecture politique, reste que la question du traitement cinématographique du film qui va décider de l'importance de l'œuvre et de sa possible postérité. Pour un film qui traite d'une période où le régime était impitoyable vis-à-vis des militants du parti Ennahdha, le grand défi se joue sur le terrain du langage cinématographique, de son traitement scénaristique pour faire parvenir une émotion artistique et non une information que tout le monde sait et au-delà du sujet poignant, on espère vivre avec Conflit un moment de cinéma et ne pas tomber dans le piège du compte rendu télévisuel.