L'approfondissement de la connaissance de l'Homme et du monde préconisé par le soufisme est la voie qui mène vers le Seigneur L'Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts Beït al-Hikma, en collaboration avec l'Association tunisienne pour les études soufies «Safa», a abrité, les mardi 9 et mercredi 10 décembre 2014, un colloque international sur le thème «Les dimensions humaines dans l'expérience soufie» qui a réuni des spécialistes de renommée du soufisme, universitaires et chercheurs, venant de divers pays du monde arabe et islamique (Algérie, Iran, Liban, Tunisie). Le coup d'envoi des travaux du colloque a été donné par le Professeur Hmida Ennaifer, islamologue, qui n'a pas manqué de rappeler l'interconnexion entre la question soufie et les questions morales, voire philosophiques, interconnexion sans laquelle on ne saurait appréhender à leur juste valeur les expériences soufies. Dans ce même ordre d'idées, le Professeur Taoufik Ben Ameur, président de l'Association «Safa», a ajouté que le soufisme se fonde sur la contemplation des réalités intérieures du monde, de la religion, de l'âme humaine... Et c'est cette conception du soufisme qui a été l'idée directrice des différentes communications présentées par les intervenants. En effet, d'aucuns ont mis l'accent sur le rôle de l'humanisme spirituel du soufisme fondé sur la notion coranique de «l'homme représentant de Dieu sur Terre» et sur la doctrine centrale de l'Unicité divine (tawhîd), c'est-à-dire sur la conscience de l'unité dans tous les aspects de la vie. Dès lors, l'importance qu'accorde le soufisme à la dimension humaniste et spirituelle rompt avec une pratique religieuse et socio-culturelle, devenue ambiante à travers les siècles, où la vie spirituelle se retrouve négligée à cause de la domination du dogme des aspects formels de la religion, alors que les orientations premières de l'Islam s'inscrivent dans une éthique universelle qui place constamment l'Homme dans une relation dynamique entre liberté et responsabilité, droits et devoirs. Aussi, l'expérience soufie est à même d'ouvrir la voie vers la reconstruction de l'Homme, en ce sens qu'elle contribue à l'élévation de l'âme humaine à travers l'initiation soufie, qui permet de pénétrer le sens caché de l'apparence des choses et aboutit à une renaissance spirituelle et une pureté de l'âme. Cette idée, développée par le Professeur Souad Al-Hakim (Liban), conclut que la méditation et l'approfondissement de la connaissance de l'Homme et du monde préconisés par le soufisme sont la voie qui mène vers le Seigneur. Mais la méditation spirituelle tant célébrée par le soufisme ne mène-t-elle pas à l'isolement, qui est lui-même en contradiction avec un des principes de l'humanisme, à savoir l'altruisme ? Le Professeur Mohamed Bettaieb (Tunisie) a réfuté cette idée en démontrant la relation étroite entre le soufisme en tant qu'ascèse et le soufisme en tant que moteur social dont le rôle est de prodiguer un enseignement de la morale et de présenter des modèles d'exemplarité, de vertu, de tolérance et d'amour de l'Autre et de Dieu. Il rappelle le rôle de réformiste social du maître soufi Al-Hallaj qui était à la fois un grand mystique et un fervent critique de l'ordre social et des pouvoirs temporels de son époque. Le colloque a conclu ses travaux en jetant la lumière sur les aspects poétiques et mystiques qu'enveloppe la dimension humaniste du soufisme. M. Mohamed Aziz Ben Zavour a expliqué que la poésie et les chants soufis sont un moyen d'éducation spirituelle. Au-delà du rythme et de la musicalité, les grands thèmes de la poésie et des chants soufis évoquent les tristesses de la séparation ou les joies de l'union, les défauts de l'âme égotique ou la subtilité de la connaissance spirituelle, la manière de frapper à la porte divine ou le bel-agir envers autrui. Autant de thèmes qui font de cette poésie et de ces chants un véritable trésor de l'enseignement spirituel rappelant la connaissance spirituelle, la réalité divine.