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Sport, éthique et citoyenneté
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 07 - 2010

Par Azouz Ben Temessek (Assistant en droit public à la faculté de Droit de Sousse)
La pratique sportive peut-elle contribuer au développement de la citoyenneté ? S'agit-il d'une activité qui pourrait inculquer aux individus des vertus citoyennes, à savoir l'autonomie et le sens de la coopération ? La réponse à ces questions dépendra évidemment, en grande partie, de ce que l'on entend par pratique sportive.
Une définition lexicographique du concept «sport» peut déjà nous aider un peu. Le sport est, d'abord, une activité physique exercée dans le sens du jeu, de la lutte et de l'effort et dont la pratique suppose un entraînement méthodique, le respect de certaines règles et disciplines. La deuxième partie de cette définition nous montre clairement que l'exercice sportif présuppose beaucoup plus qu'une simple activité physique. Il y a, ensuite, l'aspect caractériel : l'entraînement dont on parle dans la définition demande un sens de l'effort et de la persévérance. A cela s'ajoute la volonté de découvrir ses propres capacités et ses propres limites (le dépassement de soi). La pratique du sport peut ainsi contribuer au développement d'une meilleure image de soi-même et, sur la base des progrès sportifs obtenus, à un respect de soi accru. Enfin, le sport implique aussi un aspect éthique important. En effet, pour qu'un exercice physique soit considéré comme étant du sport, il faut que cette activité soit imprégnée de valeurs spécifiques. Par exemple, quand deux personnes se battent sans aucune restriction et dans le seul but de causer le plus de mal possible à l'adversaire, cela ne relève pas de l'activité sportive, mais il s'agit bel et bien d'un combat de rue ordinaire. Par contre, quand deux personnes se battent en respectant strictement les règles prescrites et qu'elles se sont entraînées dans le but de se mesurer à l'adversaire et non pas de provoquer des lésions, celles-ci sont bel et bien engagées dans une entreprise sportive. D'ailleurs, le respect de l'autre et le respect des règles sont aussi des valeurs essentielles prônées par le Mouvement Olympique. L'esprit olympique exige, entre autres, la compréhension mutuelle, l'esprit d'amitié, de solidarité et de fair-play.
Un autre principe repris dans la Charte olympique souligne que le sport doit être mis «au service du développement harmonieux de l'homme en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine». Ce principe laisse entrevoir le rôle important que le sport peut jouer dans l'aspect éthique de la vie sociétale. Stimuler la formation d'une personne bien équilibrée sur le plan physique, mental et moral mènera, selon la Charte, à des effets bénéfiques au niveau du bien-être social. Mais, peut-on déduire de cette prémisse olympique que les personnes sensibles aux valeurs sportives le seront aussi aux vertus de la citoyenneté? Autrement dit, des sportifs vertueux disposent-ils d'une plus grande probabilité de s'épanouir en citoyens vertueux ?
Sport et autonomie
Dans la tradition libérale, l'homme est perçu comme un être rationnel et autonome. Cela veut dire que l'homme dispose, de par sa nature, de la capacité d'organiser sa propre vie sans interférence de l'extérieur. Les choix opérés constituent, en termes éthiques, la conception du bien d'une personne. Les sociétés où cette autonomie individuelle est une valeur centrale de la culture politique sont caractérisées par des structures de base permettant à tout le monde de développer et d'exercer pleinement son autonomie. Cette approche libérale se reflète dans une citoyenneté formelle bien précise. Chaque individu dispose, pour pouvoir exercer son autonomie, d'un certain nombre de libertés classiques (par exemple : la liberté d'expression, d'association, de pensée et de conscience). Toutes ces libertés sont, en quelque sorte, des manifestations particulières du droit fondamental à l'autonomie. Mais, il faut se rendre compte du fait que l'on n'est pas né dans une situation d'autonomie. Il faut devenir autonome. Il s'agit, en effet, d'une potentialité que l'on doit développer tout au long de sa vie. De ce point de vue, dans la plupart des sociétés sociales-démocrates, chaque individu est aussi porteur d'un certain nombre de droits qui ont pour but d'activer l'autonomie personnelle. Le droit à l'enseignement, le droit à des soins de santé, le droit à un logement salubre, etc., ne sont que quelques exemples. Dans cette même perspective, on pourrait aussi avancer un droit au sport. Comme le droit à l'enseignement, le droit au sport vise surtout à réaliser l'autonomie d'une personne.
Dès son plus jeune âge, l'enfant devrait être mis en contact avec différents sports. De cette façon, il ou elle sera dans la possibilité d'essayer les différentes disciplines sportives et, éventuellement, de faire un choix qui corresponde le mieux à ses propres capacités et à ses propres attentes. Choisir un sport que l'on aime faire contribue aussi à la construction de sa propre identité. En effet, pratiquer un sport, individuel ou en équipe, requiert une prise de conscience de soi-même. Qui suis-je ? Quelles sont mes capacités ? Que voudrais-je obtenir sur le plan sportif ? En même temps, la pratique de n'importe quel sport exige aussi, à côté d'un certain degré de discipline et de persévérance (aspect caractériel), le développement d'une faculté de discernement (la raison pratique).
Agir en tant qu'individu autonome implique que l'on devrait être à même de prendre des décisions judicieuses sur la base d'un certain nombre d'éléments pertinents dont voici quelques exemples. Comment devrais-je m'entraîner, étant donné mes faiblesses, mes points forts, ma capacité de récupération, mes objectifs, mes obligations à l'extérieur du milieu sportif (études, famille, etc.) ?
L'importance du développement d'une telle faculté d'appréciation ne peut en tout cas être sous-estimée. Le fait de pouvoir atteindre des objectifs que l'on s'est fixés grâce à sa propre action autonome tend à renforcer le respect de soi-même. En outre, cette prise de conscience et de confiance en ses propres possibilités ne devrait pas se limiter au domaine sportif. Le sport peut, par exemple, aider certaines personnes à sortir de leur isolement social ou économique. Si on parvient à progresser et à être performant dans le domaine sportif, pourquoi ne serait-il pas possible d'imiter le même succès dans l'obtention d'un emploi ? Si on est d'accord sur le fait que le sport peut contribuer au développement de l'autonomie individuelle, devrait-on en déduire pour autant que la pratique du sport préconise surtout une attitude individualiste ? Certainement pas, pour deux raisons. Premièrement, comme on l'avait déjà remarqué, l'autonomie est une qualité de caractère qu'il faut acquérir tout au long de sa vie. Mais, ce qui est encore plus important, ce n'est que grâce aux autres que l'on devient autonome. Cela vaut, également, pour le sport. Activer l'autonomie d'une personne à l'aide du sport nécessite la guidance et l'encouragement constant des autres. Deuxièmement, le fait que la pratique sportive puisse contribuer au développement de l'autonomie individuelle n'exclut aucunement la capacité de cette pratique de stimuler la vertu citoyenne. Qu'en est-il de l'autre vertu clé de la citoyenneté, à savoir le sens de la coopération ? Le sport peut-il contribuer au développement d'un goût pour la collectivité, d'un esprit de coopération ?
Le sens de la coopération
La thèse que l'on entend défendre dans ce contexte comprend deux parties : la communauté sportive constitue indubitablement une communauté éthique; l'attitude coopérative au niveau sportif n'entraîne pas nécessairement une attitude similaire au niveau citoyen.
Au premier niveau, le monde du sport est en quelque sorte un microcosme où l'homme semble pouvoir faire preuve d'un respect vis-à-vis d'un ensemble de valeurs éthiques, comme la solidarité, la générosité, la fraternité, le respect de l'autre, le fair-play, etc. En discutant de la définition de la pratique sportive, j'ai avancé une explication possible de ce comportement altruiste. Une activité sportive est, par définition, une activité qui est imprégnée de certaines valeurs. L'entreprise dans laquelle les participants ne font plus preuve de respect et de solidarité, où tout est permis pour gagner, perd son caractère sportif.
Des règles équitables
La communauté sportive est, en réalité, subdivisée en plusieurs sous-communautés disciplinaires qui sont toutes régies par leurs propres règles et valeurs. Pensons au monde du football, celui du cyclisme, de l'athlétisme, de la natation, etc. Ces différents mondes disciplinaires sont des milieux assez restreints. Aux différents niveaux d'une compétition sportive, les équipes participantes ou les joueurs participants se rencontrent régulièrement. Dans ce contexte spécifique, ce n'est pas une bonne idée de vouloir profiter de la sportivité de l'autre. Le fait qu'il y aura encore d'autres rencontres dans l'avenir avec les mêmes adversaires (stabilité) facilitera l'installation d'un mécanisme de réciprocité (altruisme conditionnel).
La condition de l'équité est, sans aucun doute, une valeur de base dans n'importe quelle entreprise sportive. Pour qu'une compétition sportive puisse exister, il faut qu'il y ait des règles équitables permettant à quiconque de se mesurer à sa juste valeur avec l'adversaire. Il faut, en effet, que les différents participants disposent d'une «chance raisonnable» de l'emporter. Cela implique, entre autres, que les participants qui entrent en lice devraient être à peu près d'un même niveau sportif. En même temps, les règles doivent être appliquées d'une manière équitable. Un arbitre qui donne toujours l'avantage au même joueur risque non seulement de fausser le jeu, mais aussi de discréditer le sport dans son entièreté. Pensons, par exemple, aux scandales qui ont marqué le Tour de France liés au dopage, et qui ont, sérieusement, terni l'image du sport cycliste. Les deux dernières conditions, celle de la communication et de la participation, sont tellement intégrées dans la pratique sportive que leur respect constitue presque une évidence. Sans des participants actifs qui partagent un savoir commun (règles, culture et coutumes d'un sport), il ne peut être question d'activité sportive.
Au second niveau, peut-on supposer maintenant que l'attitude coopérative acquise dans le contexte sportif se manifeste automatiquement dans le contexte citoyen ? C'est en tout cas ce que l'un des principes de la Charte olympique semble suggérer (voir supra). Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne s'agit pas d'une idée insolite. Assez souvent, on trouve la notion que les associations et organisations sportives et autres de la société civile constituent, en quelque sorte, un espace de citoyenneté qui offre à ses membres la possibilité de vivre, de décider et d'agir ensemble. Mais, il faut que l'on apporte un bémol à cette hypothèse. En effet, l'appartenance à un club de sport ou à n'importe quelle autre organisation locale représente, pour la plupart des personnes, un engagement concret et personnel. La citoyenneté, par contre, est injustement perçue par beaucoup comme une appartenance plutôt virtuelle et instrumentale. L'aspect virtuel de la citoyenneté s'explique, entre autres, par son caractère peu tangible. Le citoyen moderne connaît à peine une fraction de ses concitoyens et l'expérience consciente de sa citoyenneté est, en général, limitée à sa participation aux élections. L'aspect instrumental de la citoyenneté se manifeste surtout dans nos sociétés libres et ouvertes où chaque individu est focalisé sur le développement da sa propre conception du bien. Une telle approche instrumentale est aussi caractérisée par une mise en exergue de la dimension juridique de la citoyenneté et non par son aspect éthique.


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