Ils refusent le nivellement par le bas des études d'ingéniorat et exigent que ceux qui désirent s'inscrire au cycle d'ingénieur dans les écoles privées passent le concours national d'accès aux écoles d'ingénieurs Les étudiants inscrits au cycle d'ingénieur dans plusieurs spécialités affichent depuis plusieurs jours leur ras-le-bol. Ces derniers refusent que des étudiants dont le niveau est moyen aient la possibilité de s'inscrire au cycle d'ingénieur dans des écoles privées sans passer de concours, alors que les élèves brillants doivent suivre un cursus difficile, à savoir effectuer deux années préparatoires et ensuite passer un concours à l'issue duquel ils doivent être classés parmi les premiers pour pouvoir accéder aux différentes écoles d'ingénieurs. Ces étudiants jugent que l'ouverture de ces universités qui proposent des études d'ingéniorat sans imposer de critères d'accès a fait émerger une politique de deux poids deux mesures et créé un profond sentiment d'injustice chez les diplômés du baccalauréat brillants appartenant à l'élite qui craignent que les études d'ingéniorat ne soient banalisées. La semaine dernière, des étudiants en cycle d'ingénieur ont organisé un sit-in devant le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique dans l'espoir de sensibiliser l'autorité de tutelle à la banalisation de la formation qui leur est proposée et aux défaillances qui minent tout le système d'enseignement. Clairvoyants et méthodiques, les étudiants de l'Insat, qui ont également pris part à ce sit-in et qui se sont engagés dans une grève ouverte, ont consigné leurs revendications par écrit, en publiant un communiqué public. Ces derniers exigent qu'une instance supérieure des études d'ingénierie dans laquelle doivent être représentés le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des Technologies de l'information, le ministère de l'Industrie et toutes les parties prenantes dans le secteur (l'Ordre des ingénieurs, les syndicats et l'Utica) soit créée. Parmi les missions de cette instance: assurer la supervision des critères d'attribution des diplômes d'ingénieur et surveiller la qualité de la formation en ingénierie. Il ne s'agirait pas de la seule revendication. Les étudiants protestataires en ont rédigé sept autres. Ces derniers refusent de façon catégorique l'accord conclu entre le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et le ministère de la Formation professionnelle qui prévoit d'établir une passerelle entre la formation professionnelle et les études d'ingénieur, ce qui permettrait à des jeunes ayant suivi une formation professionnelle de faire également des études d'ingénieur. «Cela revient à un nivellement par le bas des études d'ingéniorat, note Soumaya, étudiante en deuxième année du cycle d'ingénieur à l'Institut national agronomique de Tunisie. Donner la possibilité à des jeunes de niveau moyen d'accéder à un cycle d'ingénieur va entraîner automatiquement une baisse du niveau des études d'ingéniorat. Devenir ingénieur requiert certaines compétences, comme l'esprit d'analyse, le raisonnement logique et un degré d'imagination, d'anticipation et de créativité qu'on ne retrouve que chez des élèves et des étudiants brillants appartenant à l'élite. Je juge qu'il faut imposer et maintenir des critères d'accès stricts au cycle d'ingénieur. Si les jeunes qui ont suivi une formation professionnelle veulent faire par la suite des études d'ingéniorat, ils doivent également passer le concours national pour accéder aux écoles d'ingénieurs, et ce, qu'elles soient privées ou publiques». Il ne s'agirait pas de la seule exigence qui a été relayée par un grand nombre d'étudiants faisant des études d'ingéniorat et qui a servi de fer de lance à leur campagne de protestation. Ces derniers exigent également qu'il y ait une révision complète du système d'enseignement afin de conférer davantage de flexibilité aux études d'ingéniorat en les adaptant davantage aux besoins du monde industriel et en mettant en place des mécanismes pour améliorer l'employabilité des ingénieurs après l'obtention de leur diplôme. «Nous manquons de tellement de choses, a relevé Najet, étudiante en année terminale du cycle d'ingénieur à l'Inat. Nous n'avons pas suffisamment d'équipements dans les laboratoires. Le ministère devrait améliorer les conditions d'études des étudiants inscrits au cycle d'ingénieur et tenter de remédier aux nombreuses défaillances dont souffre le système. Après tout, il s'agit de l'élite de ce pays».