Hier, l'avenue Habib-Bourguiba a accueilli tout au long de la matinée des milliers de Tunisiens venus, spontanément ou encadrés par les partis et organisations auxquels ils appartiennent, crier leur colère contre les terroristes et rappeler leur engagement à sauver leur révolution L'avenue Habib-Bourguiba, lieu symbole de la révolution de la liberté et de la dignité, a accueilli, dès les premières heures de la matinée, les Tunisiens et les Tunisiennes venus célébrer le 4e anniversaire de leur révolution et crier, haut et fort, leur colère contre les terroristes et les semeurs de mort. Comme au bon vieux temps, plus particulièrement des premiers mois de 2011, l'avenue a retrouvé sa ferveur révolutionnaire doublée d'une ambiance de fête et de fierté légitimes, car «nous avons réussi à sauver notre pays des griffes de la violence et des tentacules de la haine et de la division qui ont failli le faire basculer dans le chaos et l'inconnu», précise une militante démocrate qui a participé à la grande manifestation du 14 janvier 2011, «la journée historique qui a balayé Ben Ali et l'a obligé de fuir en Arabie Saoudite». Et les banderoles, les tentes de solidarité et la musique d'imprimer à l'avenue un air de fête et de liesse qu'on croyait révolu, au regard des souffrances et des malheurs qui ont touché le pays durant les trois dernières années. «Aujourd'hui, assure un quinquagénaire qui a connu Bourguiba et Ben Ali et a gardé longtemps le silence à ses dires, nous avons un nouveau président installé au palais de Carthage et nous attendons avec impatience la formation du gouvernement qui va conduire la Tunisie durant les cinq prochaines années. Nous avons accordé notre confiance à Si El Béji et à son parti mais ce n'est pas un chèque en blanc. Nous gardons les yeux ouverts. En aucune manière, nous ne voulons que les erreurs commises par Marzouki et les gouvernements de la Troïka I et II se reproduisent». Chokri et Haj Mohamed ne sont pas morts Et comme l'on s'y attendait, les ombres des martyrs de la révolution Chokri Belaïd et Haj Mohamed Brahmi ont bel et bien plané sur la grande avenue. «Ils restent à jamais dans nos esprits et nous n'arrêterons pas d'exiger que leurs assassins soient sanctionnés et que leurs commanditaires soient démasqués. Aujourd'hui, nous avons le sentiment que l'instruction a de réelles chances d'aboutir. Nous avons confiance en la capacité de notre justice de se libérer, enfin, des pressions», clame un jeune militant du Parti des démocrates unifié, enveloppé dans le drapeau national orné des portraits de Brahmi et Belaïd souriants comme à l'époque où ils haranguaient les foules, dans la bonne humeur et les sourires qui fusent du cœur. «Nous n'abdiquerons jamais» Sur les marches du Théâtre municipal, ce sont les familles des martyrs et des blessés, guidées comme toujours par les avocats, qui ont rappelé aux Tunisiens qu'ils ne se tairont jamais. «Nous n'abdiquerons pas notre droit absolu de voir les assassins de nos enfants recevoir les sanctions qu'ils méritent», crients-ils en chœur. Me Charfeddine Kellil appelle, pour sa part, «à tout dévoiler sur ce qui s'est passé entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011. Quant à l'Instance vérité et dignité, nous la mettons en garde contre toute tentative de confisquer l'affaire des martyrs et des blessés de la révolution. Nous cherchons la vérité, rien que la vérité, les compensations matérielles, nous n'en avons pas besoin». Farhat Jouini chante pour Ennahdha Ennahdha s'est aussi joint à la célébration du 4e anniversaire de la révolution et a investi l'avenue mythique où certains de ses dirigeants, conduits par Abdelkrim Harouni, membre du bureau exécutif du parti et ancien ministre du Transport, ont appelé «les jeunes nahdhaouis à poursuivre leur action militante pour réaliser les revendications sociales». Tout ou presque a été dit par les responsables nahdhaouis qui ont pris la parole à cette occasion : «La formation d'un gouvernement de consensus national, le rôle de la femme dans la préservation des acquis civiques, le soutien aux forces armées et de sécurité qui affrontent les semeurs de mort, etc.». La musique était aussi de la fête des nahdhaouis et c'est Farhat Jouini qui a chanté la révolution, ses martyrs, ses blessés et ses symboles. D'autres marches, comme celle organisée par le mouvement Al Ahrar, ont appelé au dévoilement de la vérité sur les assassinats de Belaïd, Brahmi et aussi des membres des forces de sécurité et de l'armée.