Des passages à niveau à hauts risques, des barrières automatiques «constamment» en panne, des accidents à profusion et une maintenance qui laisse à désirer. Tel est le constat «Les passages à niveau (PN) sont très nombreux et constituent un maillon faible du réseau ferroviaire tunisien, puisqu'ils sont souvent à l'origine de nombreux accidents graves, ce qui pénalise sérieusement la dynamique commerciale [...]», avaient souligné Chrisitan Leyrit, vice-président du Conseil général français de l'Environnement et du Développement durable, et cinq membres du même conseil, lors de leur visite les 29 et 30 mars 2011. Sauf que ce constat continue de marquer l'actualité, comme en témoigne la collision, survenue le 27 novembre dernier, sur un passage à niveau du côté de Sidi Mahersi, près de Nabeul, entre un train de passagers et une camionnette, faisant un mort et un blessé. Accidents sur les passages à niveau Il faut dire que le train reliant la ville de Nabeul à la gare de Bir Bouregba n'en est pas à sa première victime. Justement, au mois de mai dernier, un citoyen, profitant encore une fois du manque de sécurité au niveau du point de passage d'El Kaounia dans la ville de Nabeul, s'est donné la mort. «Le train de Nabeul-Bir Bouregba a fait beaucoup de morts. Au début des années 90, je me souviens d'une camarade de classe, une certaine Meriem B., qui avait été happée par le train au niveau du passage à niveau d'El Kaounia. Malheureusement, plus de vingt ans après, rien n'a changé», note Kamel Ksibi, un habitant du quartier AFH de Nabeul. Un peu plus loin, dans le quartier de Sidi Mahersi, M. Souheil Sellem, un jeune du quartier, relève que les barrières automatiques du passage à niveau dans ce quartier résidentiel sont «constamment en panne». Un constat confirmé et vérifié au PN de la résidence des Deux-Oueds. «Roulette russe» «Vous voyez! Tout est devant vos yeux. Ce passage à niveau ainsi que celui qui se situe en face de la mosquée de Sidi Mahersi sont fréquemment en panne, ce qui augmente les risques de collisions avec le train», soutient-il. Pour lui, «ces pannes à répétition représentent un danger public. Les habitants du quartier Sidi Mahersi flirtent avec la mort comme ceux qui jouent à la roulette russe. Face à ces pannes, nous sommes contraints de nous faufiler entre les barrières pour accéder à la ville et conduire nos enfants à leurs écoles. Une menace sérieuse qui semble perdurer». Or, en 2011, M. Fayçal Klibi, directeur central du réseau ferroviaire tunisien, déclarait à La Presse que le réseau dispose de 1.125 passages à niveau classés et officiels. 235 sont équipés de barrières automatiques, et 36 avec signalisations lumineuses, et surtout soumis à un système de télécontrôle mis en place par la Sncf. «Quand un de ces 271 PN tombe en panne, l'équipe de maintenance est informée sur-le-champ, car ces PN sont équipés de GPRS ou de puces qui envoient l'information directement sur le GSM du technicien chargé de l'entretien de ce matériel», avait-il précisé. Une ligne sans aucune utilité pour la région Malgré le fait que le tronçon Nabeul-Bir Bouregba passe par une zone touristique où tous les PN sont équipés de barrières automatiques et de signalisations, ce système de télécontrôle n'est qu'une légende urbaine. Outre le danger qu'incarnent les passages à niveau tout le long de la ligne ferroviaire reliant Nabeul à Bir Bouregba, plusieurs habitants commencent à remettre en cause l'utilité du train de passagers dans cette région. C'est le cas de Karim Ben Salem qui estime que «ce train aurait été utile au Cap Bon s'il y avait une activité ferroviaire sur la côte de la région pour relier des villes comme Korba, Tazarka, Hammam-Ghzez, Kélibia et Haouaria. D'autre part, la majorité des Nabeuliens préfère le bus confort ou les louages pour aller à Tunis et prend les taxis collectifs ou le bus pour se rendre à Hammamet». «Il est vrai que ce train, reconnaît encore notre jeune, constitue non seulement un risque pour la vie des gens, vu les défaillances techniques au niveau des passages à niveau, mais aussi une source de pollution et de nuisance sonore pour une zone balnéaire où se concentrent plusieurs unités hôtelières et résidences de plaisance». La «High Line» de New York comme exemple Un avis partagé par Anouar Belhadj, trésorier de l'association Ecotourisme et environnement, qui pense qu'il serait judicieux de convertir cette ligne ferroviaire en un parcours de santé en s'inspirant du parc linéaire urbain «High Line» de Manhattan, New York. «A New York, une portion de 2,3 km désaffectée des anciennes voies ferrées aériennes du Lower West Side a été aménagée avec le soutien des habitants du quartier et l'aide du maire de New York, Michael Bloomberg, sous l'impulsion de l'association "Les amis de la High Line". Aujourd'hui, la High Line est devenue une attraction touristique et un monument new-yorkais. Pourquoi pas chez-nous?». Voilà une bonne idée à creuser.