Georges Leekens savoure de près le parcours des Aigles qu'il entend driver ce soir jusqu'en demi-finale. En attendant mieux... Dans un style tout en bonhomie et en paternalisme, il s'emploie à défendre son groupe contre l'assaut des boulets rouges des médias qui n'ont guère ménagé la sélection, peu convaincante malgré sa qualification. «Mon groupe est uni et solidaire, il donne constamment le maximum. L'attitude de chacun de mes joueurs est professionnelle à cent pour cent», martèle-t-il comme une litanie à chaque nouvelle sortie médiatique. Il est d'ailleurs rare de l'entendre critiquer un de ses «potes». Le boss pousse le sens de la solidarité jusqu'à se reconvertir en avocat d'Alain Giresse ou d'un Finke, remerciés par le Sénégal et le Cameroun. Ses élans d'amitié trouvent d'ailleurs écho dans un cliché passé à la postérité. Au coup de sifflet final de l'arbitre gambien Bakary Gassama, il se jette comme un jeune amoureux dans les bras de son homologue congolais, Itendje, qu'il a longtemps fréquenté en Belgique. Il peut savourer avec lui une qualification «partagée», un bonheur commun. Boy-scout, le sélectionneur de la Tunisie proteste à sa manière contre les conditions misérables de séjour dans ce patelin oublié du bout de l'Equateur, Ebebyin. «Cela fait deux jours que je n'ai pas pu prendre une seule douche tant les coupures récurrentes d'eau et de courant nous jouent de mauvais tours», tempête-t-il dans un coup de gueule qui n'a eu au final aucun impact, aucune amélioration n'ayant été enregistrée dans l'hôtel jusqu'au départ pour Bata, la capitale économique. Tiens ! Bata dont le nom va se confondre ce soir avec le destin de «Mister Georges» qui aime chantonner en conduisant ses séances d'entraînement. Le style ni tapageur ni aguichant de son équipe sera-t-il encore une fois suffisant pour charmer dame Coupe d'Afrique ? Le Vésuve du public local On se rappelle de la terrible désillusion vécue par un autre technicien étranger de l'équipe de Tunisie qui eut à se coltiner avec le Vésuve du public local contre la sélection du pays organisateur, toujours en quarts de finale. Lors de la CAN 1998, à Ouagadougou, ce ne fut qu'au tout bout de la nuit que le Burkina Faso écarta les copains de Zoubeïr Beya, aux penalties, après un nul (1-1) dans un duel dramatique. Le Franco-Polonais Henry Kasperczak essuya le feu des critiques cinq mois avant le Mondial français, ce couac plombait l'univers des Aigles carthaginois. Leekens, rebaptisé Louis XV par les profanes, n'est sans doute pas sans savoir qu'il n'y eut guère d'antécédent favorable : les Aigles n'avaient jamais trouvé les ressources pour vaincre le syndrome du pays organisateur d'une édition continentale. L'ancien patron de l'Algérie, où il ne laissa pas un souvenir impérissable, réussira-t-il là où les autres avaient échoué? Ce n'est pas là le moindre défi qui attend ce soir le technicien venu du Plat pays célébré par un certain Jacques Brel.