Si l'on en juge par le marché à terme, sur lequel le prix du baril de pétrole livrable en août 2015 est de 56 dollars, il y a peu de raisons d'espérer un redressement des cours pétroliers. Alors que le pétrole semble devoir rester bon marché pendant un certain temps, le dernier bulletin trimestriel de la Banque mondiale propose une analyse pays par pays des conséquences potentielles de cette situation pour la région. Principales conclusions. Conseil de coopération du Golfe (perdant) : En 2013, les revenus tirés du pétrole et du gaz ont représenté près de la moitié du PIB des pays du Golfe et 75 % de l'ensemble de leurs recettes d'exportation. Si les prix restent bas pendant une période prolongée, on estime que les Etats de cette région devraient faire face à une perte de revenus pétroliers de 215 milliards de dollars, ce qui représente plus de 14 % de leurs PIB combinés. Dans l'ensemble, les recettes collectées par les pays du Golfe sont supérieures à leurs dépenses depuis bien des années, mais avec des dépenses en hausse et des prix du pétrole en chute libre, cette situation pourrait bien s'inverser. L'excédent budgétaire d'environ 10 % du PIB enregistré en 2013 pourrait ainsi laisser la place à un déficit de 5 %. Bien que ces pays disposent de réserves suffisamment importantes pour couvrir un déficit de cette ampleur, il semblerait qu'ils soient en train de revoir leurs dépenses. L'Arabie Saoudite, qui dispose pourtant de 700 milliards de dollars de réserves, s'apprête à augmenter les prix de l'énergie et de l'essence. Bahreïn, pays le plus gravement affecté par cette crise, envisage de demander un appui budgétaire aux autres pays du Golfe. A Oman, le budget 2015 ne comporte ni coupes budgétaires ni nouvelles recettes, mais les autorités pourraient bien avoir à recourir à ces deux mesures au cours de l'année à venir. Les Emirats arabes unis ont déjà commencé à chercher de nouvelles sources de recettes, notamment en instituant une taxe sur les envois de fonds des migrants. Si cette mesure était adoptée par tous les pays du Golfe, cela pourrait avoir un impact significatif sur les expatriés qui viennent y travailler, ainsi que sur le volume de leurs transferts d'argent. L'ensemble des envois de fonds émanant des pays du Conseil de coopération du Golfe à destination du reste de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord se sont élevés à 21 milliards de dollars en 2013, l'Arabie Saoudite représentant à elle seule la moitié de cette somme. Tunisie (gagnant) : Le budget qui vient d'être approuvé était basé sur un prix du baril de pétrole de 95 dollars. La baisse des prix pétroliers conduira à une forte réduction des dépenses de l'Etat au titre des subventions à l'énergie. Elle fera également baisser le coût de production et de transport des produits alimentaires. Une baisse de 15 % du prix de l'énergie couplée à une baisse de 5 % du prix des produits alimentaires pourrait faire augmenter le revenu réel des pauvres de 3 % et celui des 40 % les plus démunis de la population de 2,5 %. Libye (perdant) : Le prix à payer pour les recettes pétrolières perdues sera lourd pour le pays si les factions politiques ne parviennent pas à trouver un accord. La production de pétrole de la Libye ne représente actuellement qu'un cinquième de ce qu'elle était avant la crise (1,6 million de barils par jour). Le pays a accumulé des réserves financières substantielles, mais la combinaison de prix bas et de production faible ont forcé le gouvernement à puiser dedans. Evaluées à 100 milliards de dollars en août 2014, ces réserves ont chuté de 20 % depuis le début de l'année et pourraient être épuisées en seulement quatre ans si la situation actuelle perdure. Le secteur public emploie un quart de la population, et sa masse salariale a grimpé de 250 % depuis la révolution de 2011. En l'absence de toute augmentation de la production de pétrole à l'horizon, les autorités auront bien du mal à tenir leurs engagements. Le Parlement rival, basé à Tripoli, a annoncé qu'il envisageait de supprimer les subventions aux combustibles fossiles, qui représentent 20 % du PIB, une mesure qui pourrait contribuer à aider l'Etat à combler le fossé grandissant entre ses dépenses et ses recettes. Egypte (gagnant) : La consommation de pétrole égyptienne croît au rythme de 3 % par an, surpassant largement ce que le pays peut produire. Un pétrole moins cher permettra à l'Egypte d'en acheter plus et auprès d'une plus grande variété de sources pour satisfaire sa demande intérieure croissante. Cela pourrait conduire à moins de coupures de courant cet été, ce qui améliorerait la stabilité politique et sociale du pays. Si le prix du baril reste aux environs de 50 dollars, le pays devrait faire d'importantes économies sur les 100,4 milliards de livres égyptiennes qui ont été inscrits au budget au titre des subventions à l'énergie, ce montant ayant été établi sur la base d'un prix du baril de 105 dollars. Les prix bas du pétrole devraient aussi faire reculer l'inflation et le taux de pauvreté. Mais ils risquent aussi de faire diminuer le nombre de touristes en provenance du Golfe et d'expatriés envoyant de l'argent dans leur pays d'origine. Toutefois, l'importance de ce dernier impact dépendra de la durée pendant laquelle les prix du pétrole resteront bas; ce qui se traduira par une amélioration de la situation de la balance des paiements du pays.