Par M'hamed JAIBI Le nouveau chef de gouvernement a, dès le vote de confiance, sommé tous ses ministres de déceler chacun, en l'espace de dix jours, les priorités premières de son département. Cela va sans doute permettre de parer au plus pressé pour «remettre la routine en marche», mais cela ne pourra tenir lieu de stratégie réelle de développement, au terme de quatre années de grande morosité et de pataugeage au gré des vents. Renouer avec les 5% de croissance Malgré un régime autoritaire et les méfaits de la «famille», la Tunisie d'avant la Révolution arrivait à aligner des taux de croissance dépassant les 5%, en échange d'un effort louable en matière d'infrastructures et d'incitations dûment planifié qui, depuis, a fait terriblement défaut. De sorte qu'il s'agit, aujourd'hui, de faire un effort intensif de bilan et de planification d'urgence aux fins de remettre en route les mécanismes acquis. Mais une telle remise en route tardive ne sera ni aisée ni forcément payante, et, en tout cas, elle ne permettra pas sans faute de se situer rapidement dans les rythmes de croissance de 2010. Car il s'agit de réduire la fracture de ces dernières années, tout en s'appliquant à payer la facture sociale inévitable allant avec. Une véritable planification stratégique Les cent premiers jours annoncés sont appelés à clarifier les capacités de remise en ordre et les aptitudes à relancer l'économie nationale et le développement. Cette entreprise devra faire appel à toutes les énergies et à toutes les expertises du pays, à la faveur de la majorité confortable ayant accordé sa confiance au gouvernement Essid. Durant ces cent jours, il faudra, en parallèle, concevoir les grandes lignes d'une planification stratégique préliminaire visant à rattraper les retards accumulés et à préparer la remise en route d'une nouvelle planification stratégique digne de ce nom, en interaction avec les perspectives de reprise envisageables et les promesses objectives en matière d'investissements et de positionnement à l'international. Unifier d'abord le programme du gouvernement Au préalable, et durant les toutes premières semaines, il sera bien évidemment nécessaire d'élaborer et de présenter aux Tunisiens un «programme du gouvernement» autrement plus consistant que celui de son discours d'investiture. Car, il ne faut pas l'oublier, Habib Essid, qui n'est pas spécialement un théoricien de l'économie, se devra, au vu des impératifs socioéconomiques se posant au pays, de concilier les programmes des différents partis engagés dans son gouvernement, en un programme commun de synthèse pour toute l'étape de remise en route de l'éconmie nationale. L'octroi des départements économiques du gouvernement à Nida Tounès et à Afek Tounès ne laisse pas deviner les options éventuelles du cabinet Essid, même si le Premier ministre a bel et bien été proposé par le parti du président de la République. Entre le copieux programme économique et social de Nida Tounès d'«économie sociale de marché», élaboré sous la houlette des actuels ministres Slim Chaker et Mahmoud Ben Romdhane, et l'option de «réforme structurelle» — bien vue par le FMI — de Yassine Brahim, ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, le doute quant aux intentions est bien légitime.