L'Etat islamique signe par le sang sa présence en Libye Sur une plage de Libye, dont la localisation précise est impossible, des hommes vêtus des mêmes combinaisons orange que celles utilisées par le groupe Etat islamique (EI) lors de ses mises en scène macabres sont contraints de s'agenouiller, avant d'être décapités dans le sable. La vidéo a été mise en ligne dimanche 15 février. Quelques heures plus tard, un porte-parole de l'Eglise copte, en Egypte, affirmait que les victimes avaient été identifiées. Comme l'affirmaient leurs bourreaux, elles font bien partie du groupe de chrétiens coptes enlevés en janvier à Syrte, en Libye. Cette vidéo n'aura pas été qu'un moment d'horreur. Elle est aussi destinée, en tant qu'outil de propagande politique, à mettre en scène la présence de l'EI en Libye. Le groupe des bourreaux se réclame de la branche libyenne de cette organisation, dans la «wilayat Tarabulus» (région de Tripolitaine). Jeudi, déjà, Dabiq, la publication en ligne de l'EI avait diffusé images et texte concernant les otages coptes, «message signé avec le sang à destination de la nation à la croix». Comme des centaines de milliers de leurs compatriotes, ces derniers étaient venus en Libye à la recherche d'un emploi. ...Dans l'enregistrement de l'exécution, un des bourreaux explique, en anglais : « Cette mer dans laquelle vous avez caché le corps du cheikh Oussama Ben Laden, nous jurons, par Allah, que nous la mélangerons avec votre sang. » C'est la deuxième fois (après l'attaque du Corinthia) que l'EI en Libye justifie un acte en le liant à Al-Qaïda, alors que les deux organisations sont rivales, voire ennemies, en Iraq et en Syrie... ...C'est à présent en plein territoire Fajr Libya que l'EI prend son essor. Syrte est théoriquement une ville « alliée ». Des brigades de Misrata s'y trouvent cantonnées, aux côtés d'une forte importante implantation de Ansar Echaria, proche d'Al-Qaïda. Au cours des derniers jours, les cellules de l'EI à Syrte ont lancé un « coup de force » symbolique, investissant les bâtiments de la radio et diffusant des discours du chef de l'EI. Fajr Libya, accusée par Karama, la coalition du général Khalifa Haftar, d'être complice de l'EI, a annoncé son intention d'envoyer des forces à Syrte pour y reprendre le contrôle de la ville. C'est une autre victoire de l'EI à ce stade : faire éclater un peu plus les complexes alliances libyennes. Jean-Philippe Rémy (Le Monde) Daech fait son cinéma Toute propagande a besoin d'images pour fonctionner. Un chef de tribu, un prince, un empereur ou un chef d'Etat doit toujours s'appuyer sur la mise en scène de sa propre personnalité pour assurer sa légitimité et atteindre le but ultime de l'exercice du pouvoir : séduire et fasciner. Des films comme Alexandre Nevski et Le Cuirassé Potemkine sont des bijoux d'art mais aussi de propagande, portant aux nues le communisme et ses symboles. L'esthétique de l'image permet de sublimer la politique même quand elle est monstrueuse, barbare et criminelle. Le beau permet d'évacuer l'abject et le dérober du regard. Le fascisme l'a compris et appliqué. Mais avec les vidéos diffusées par Daech, on est dans un autre niveau de relation entre image et propagande. Quand on regarde ces vidéos, et notamment la dernière mettant en scène l'immolation d'un pilote jordanien, on est partagé entre le dégoût profond et la fascination intrigante. Le sentiment de dégoût est totalement naturel et compréhensible. Mettre le feu à un être humain, le mutiler, tout en filmant ses souffrances est un acte d'une cruauté inédite et une infamie condamnable. Mais la fascination vient de cette esthétisation de la violence, cette mise en scène de la brutalité, et surtout de notre familiarité avec le cadre visuel. Daech veut sidérer et effrayer le monde et ses adversaires, et, pour y arriver, l'organisation terroriste utilise un référentiel « artistique » qui ne nous est pas étranger, le cinéma. Abdellah TOURABI (Tel Quel - Maroc) Obama sonne les clairons de la guerre contre le terrorisme islamiste Le président américain n'a jamais voulu privilégier l'option de la guerre, mais la violence tous azimuts des fondamentalistes l'a poussé à changer d'avis... En ce moment, le président américain Barack Obama combat la violence islamiste et le jihadisme simultanément et sur plusieurs fronts. Il accueillera à la Maison-Blanche un « Sommet mondial pour lutter contre l'extrémisme violent à travers le monde ». Ce sommet réunira les grands leaders de la planète pour les engager dans une lutte contre un mal rampant et si létal que seule une mobilisation généralisée pourrait commencer à éroder. Il faut dire que l'ennemi est tellement tenace que s'il y a une chance de le vaincre, c'est en le cernant de toutes parts. Un communiqué de la Maison-Blanche a annoncé les grandes lignes de cet événement... ...Ce qui est donc sûr, c'est que l'action de Barack Obama a déjà débuté, bien avant le vote du Congrès sur la loi de l'élargissement de « la guerre mondiale » contre l'EI. Hier, Obama a aussi ordonné le départ pour le Koweït de plus de 4 000 soldats, ce qui constituera la plus importante force terrestre US dans la région. Irène MOSALLI : L'Orient Le Jour (Liban) L'islam et l'Afrique «Heureusement, il n'y a qu'un seul Afghanistan...». C'était le soupir de ceux qui combattirent l'Etat taliban, antre du terrorisme islamiste. Hélas, voici qu'un second se profile. Cette fois en Afrique, dans son Sahel semi-désertique. Le nomadisme caravanier s'y était, depuis quelques décennies, enrichi de trafics multiples et de rapts d'otages à la barbaresque. Puis, avec la complicité d'Etats voyous de la côte ouest, du trafic international de la drogue. Enfin donc, l'islam radical met sa patte sur le nord du Mali, arraché à la tutelle débile de Bamako. Pour le continent noir, cette perspective d'un Afghanistan malien est grosse de menaces. Avant de heurter, ici ou là, l'aire des nations christianisées, l'islam djihadiste, exploitant les séquelles anarchiques de la guerre de Libye, enfonce son coin dans l'islam africain et sa séculaire sagesse. Cette chape vandale, déployée dans le nord du Mali sur Tombouctou — la cité sainte aux 300.000 manuscrits de l'antique civilisation négro-musulmane —, c'est le dernier drapeau noir dans la diaspora des fous d'Allah. Que le «printemps arabe» ait partout — en Tunisie, Egypte, Libye — viré au «printemps islamiste» inspire à l'Occident, au Maghreb laïque et à toute l'Afrique, une inquiétude croissante. Absent de la révolte populaire, l'islam politique y détourne, à son profit, l'éclosion libertaire. Exilés ou emprisonnés par Ben Ali, Moubarak et Kadhafi, les islamistes s'engouffrent dans le sillage des premières élections libres. La révolution y dévore ses enfants et les pionniers du «printemps arabe», amers et floués, abordent une nouvelle résistance... ... L'islam est un fleuve immense parcouru de courants adverses. Ils divisent en profondeur le Moyen-Orient entre chiites et sunnites. En Afrique, voici que l'intégrisme infecte la sérénité de l'islam africain. Tortueuse évolution où Allah tarde à reconnaître les siens ! Claude IMBERT (Le Point) L'effroyable vérité sur les actions d'Israël dans la bande de Gaza D'avoir obtenu la démission de la tête de la Commission d'enquête des Nations unies ne changera rien quant au résultat de son enquête sur les crimes de guerre possibles commis à Gaza – à moins que son remplaçant ne soit ou un raciste, ou un menteur. Quel énorme succès diplomatique : Israël a réussi à obtenir que le professeur de droit canadien, William Shabas, démissionne de son poste de chef de la commission d'enquête des Nations unies sur les crimes de guerre éventuels à Gaza. Grâce à une surveillance obstinée, les divisions Renseignements et Propagande d'Israël ont révélé que Schabas avait reçu une fois 1.300 dollars d'honoraires de l'OLP. Conclusion : il a vendu son âme au diable. Le juge en croque. CQFD. Il faut un sacré culot et une sacrée arrogance pour fouiller à nouveau dans le passé de ceux qui critiquent Israël pour tenter d'assassiner leur réputation, comme dans le cas de Richard Goldstone, simplement parce qu'ils ont osé critiquer l'Etat... Mais la vérité est tout le contraire. Ce sont ceux qui n'ont pas été choqués qui méritent d'être condamnés, qui ont leur réputation assassinée, et leur passé minutieusement examiné. Soit ils vivent dans la cécité, le déni et la répression, soit leurs normes morales sont fondamentalement dénaturées et viciées. Il était impossible de ne pas être horrifié par ce que les Forces de défense d'Israël ont fait à Gaza l'été dernier — sauf si vous êtes un propagandiste, un menteur ou un raciste. En tout cas, il est impossible de soutenir Israël au vu de ce qu'il a fait aux Palestiniens. Impossible aussi d'être expert en droit international et d'être solidaire de ce qu'Israël est en train de faire. Le péché de Schabas est qu'il ne l'est pas. Il doit en être fier. ...Très prochainement, le rapport d'enquête, sans Schabas, sera publié. Il ne sera pas « équilibré », comme la propagande israélienne l'exige, parce que la situation est loin de l'être. Les 5 citoyens et les 67 soldats israéliens qui ont été tués y seront probablement mentionnés, comme les milliers de roquettes tirées sur les Israéliens. Mais même avec la nouvelle commission, avec un chef « équilibré », le rapport mentionnera qu'au cours de l'été 2014, Israël a commis des atrocités au-delà de toute proportion dans la bande de Gaza. Il n'y a aucune autre façon de décrire cela. Gidéon Lévy (Haaretz)