Par Hella LAHBIB Rien que par le titre de son émission, «A celui qui ose seulement», Samir El Wafi annonce la couleur. Une émission polémique diffusée en prime time, dimanche sur El Hiwar Ettounsi, dont il est producteur et présentateur. L'orientation en est clairement définie dès le départ, il ne s'en cache pas. Dimanche dernier, son invité principal est Seïf Trabelsi, un des neveux de l'ancienne première dame déchue. Et comme si ça ne suffisait pas, le programme n'a pas manqué de coups de théâtre, tant et si bien que la question principale à un moment donné était de savoir si un des convives présents pour apporter la contradiction avait oui ou non bu quelques verres avant d'entrer sur le plateau?! Le studio s'est transformé en scène de cirque avec des va-et-vient et des coups de gueule. Passages qui n'ont pas été coupés au montage, le but étant de créer le buzz. Objectif atteint. Soit dit en passant, l'émission a enregistré une audience dépassant les 70%. Un record. Les Tunisiens ont donc regardé. Cela étant dit, au regard de la controverse suscitée avant, pendant et après l'émission, on peut comprendre qu'il y ait une désapprobation ou même que certains aient pu être choqués de voir un Trabelsi débarquer chez eux à travers la petite lucarne. Sentiment compréhensible. Mais dans ce cas, il suffisait juste d'appuyer sur le bouton, avait dit un jour le grand conteur feu Abdelaziz Laroui, de changer de chaîne, voire de pays. La question essentielle qui se pose est la suivante: l'animateur était-il dans son droit d'inviter un Trabelsi? Oui, si cela ne tombe pas sous le coup de la loi; oui, si ce dernier n'est pas poursuivi en justice ou frappé d'une interdiction de paraître dans les endroits publics. Le neveu avait donc le droit de venir sur plateau, de parler de sa vie et de présenter ses excuses au nom de sa famille. Même dans les tribunaux, on permet aux condamnés de plaider leur cause ou d'implorer le pardon, il était dans son rôle. Pourquoi ce proche de Leïla Ben Ali avait-il le droit de se faire inviter dans une émission TV malgré son ascendance trabelsienne? Parce que dans un Etat de droit, la responsabilité est individuelle, spécifique, elle n'est pas collective, elle n'est pas génétique. Au contraire, dans un régime tribal, on est tué pour le nom qu'on porte ou protégé de fait par sa naissance. Dans des pays arabes, on constate pour l'heure, l'effet dévastateur de l'esprit clanique et communautariste au détriment de la loi et du droit. Osons espérer un sort différent pour la Tunisie. C'est d'ailleurs l'occasion d'évoquer avec regret le délire violent dans lequel a plongé une partie des Tunisiens, en faisant circuler au lendemain de la révolution les vidéos de l'épouse et des enfants à visage découvert de Belhassen Trabelsi, jugé depuis par contumace, et des membres de la famille, sans trop se formaliser de la présomption d'innocence et des lois de protection de l'enfance. Qu'on se le dise, ces gamins ne sont nullement responsables des forfaits commis par leurs proches. Tout comme le fils de l'ancien président a droit au sol, au respect et à la dignité, sans aucune discrimination, s'il a un jour l'envie de retrouver son pays. Moralité de l'histoire, dans un Etat démocratique, c'est le règne de la loi et non de l'arbitraire. Tant qu'il n'est pas sous le joug d'une poursuite judiciaire, tout Tunisien est astreint aux mêmes devoirs et bénéficie de l'ensemble de ses droits, y compris celui de participer à une émission TV.