Par M'hamed JAIBI Appellation historique du communisme allemand, la social-démocratie représente aujourd'hui l'idéologie de l'Internationale socialiste dont est membre, en Tunisie, le parti de Mustapha Ben Jaâfar, Ettakatol ou Forum démocratique pour le travail et la liberté (Fdtl). Mais, au sortir de déconvenues électorales croisées, plusieurs partis faiblement représentés à l'Assemblée tiennent à s'en réclamer et ambitionnent même, pour certains d'entre eux, de fusionner en un parti social-démocrate unifié. C'est en tout cas l'idée qui trotte dans la tête des leaders de deux formations au moins, Al-Joumhouri et Ettakatol, avec possibilité de voir s'y associer l'Alliance démocratique et le Courant démocratique. L'opposition avec un grand «O» C'est sur ces entrefaites qu'apparaît la polémique quant à la présidence de la Commission parlementaire des finances et la candidature au statut d'opposition d'un groupe social-démocrate où figure également le Congrès pour la République (CPR) dont Moncef Marzouki est le président d'honneur. Polémique qui oppose ce groupe parlementaire composite à celui du Front populaire sur l'honneur d'être l'Opposition (avec un grand «o») comme mal défini dans la Constitution. Une alternative et un système économique et social Le fait est que la social-démocratie est devenue, de par le monde, à la fois une alternative et un système économique et social. Une alternative au capitalisme dit «débridé» et un système social d'économie de marché se réclamant d'une meilleur redistribution des richesses. Et il se trouve que Nida Tounès déclare justement prôner une «économie sociale de marché», vite rejoint par certaines déclarations de leaders nahdhaouis affirmant opter pour une configuration similaire. Bref, c'est bien connu, tout le monde se réclame désormais du socialisme, et ce qui rend l'énigme plus opaque c'est que le socialisme étatiste et collectiviste étant désormais disqualifié, la partie est facile à jouer dans l'enceinte du «marché». Le CPR est-il social-démocrate ? Reste que chez nous, le Front populaire veille au grain, refusant de voir le CPR s'affubler du titre de «social-démocrate», lui qui aurait «facilité l'infiltration du terrorisme en Tunisie», une accusation grave qui a, pourtant, souvent été collée à la gestion de la Troïka dans son ensemble, malgré les timides réserves d'Ettakatol sur cette question. La réalité est que personne ne peut, aujourd'hui, se prononcer sur la coloration politique réelle de nos multiples partis politiques ni surtout sur leurs véritables choix de système. Le gouvernement en place, que soutiennent 169 députés de cinq courants, n'a pas encore montré clairement ses options fondamentales, malgré les efforts consentis en matière de maîtrise des prix et les promesses de revalorisation du pouvoir d'achat des salariés. Les vives recommandations de la BM et du FMI En fait, aucune stratégie explicite du gouvernement n'ayant été dévoilée, personne ne peut prévoir la démarche qui sera privilégiée par l'équipe Essid, ni se prononcer, à ce stade, sur l'attitude que prendra le pays officiel vis-à-vis des vives recommandations de la Banque mondiale et du FMI, lesquelles suggèrent une compression des dépenses, une levée de la compensation, une libéralisation plus franche et la flexibilité de l'emploi. Tant que le gouvernement n'aura pas clarifié ses choix, tout le monde pourra se targuer à loisir d'être le chantre de la social-démocratie, aussi bien parmi les gouvernants qu'au sein de l'opposition, la vraie de vraie autant que la «fausse», comme s'en accusent mutuellement les candidats à la présidence de la Commission des finances. Et puis, pourquoi ne pas rester tous dans les nuances plus réalistes d'une social-démocratie aux principes partagés et aux praxis négociables. Selon les intérêts et l'humeur du pays.