Par Hella LAHBIB Régulièrement, de hauts responsables de la police sont mis en cause par leurs syndicats. Il ne s'agit pas d'accusations anodines, mais de graves incriminations qui touchent à la sécurité nationale, à la loyauté au drapeau, à leurs incompétences... On en conclut une seule chose: une partie des chefs n'ont pas la confiance de leurs troupes, pour diriger leurs services et mener la guerre contre le terrorisme. Dans une affaire normale, politique ou de droit commun, le justiciable bénéficie de la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire. Mais, dans une démocratie où la mise en cause concerne un gradé de l'institution sécuritaire, ce dernier est censé démissionner pour que la justice suive son cours en toute sérénité. Ici, nous ne sommes ni dans un cas ni dans l'autre. Ces accusations sont-elles fondées ? On n'en sait rien, mais le doute est là. Et les accusateurs sont tellement sûrs d'eux qu'ils se relayent sur la place publique, à visage découvert, avec des mots directs, crus et durs. Ce n'est pas la perfidie masquée du monde politique. On est dans les dénonciations nominatives. A partir de là, que faire? Il y a des risques qui planent sur la sécurité des Tunisiens. Si infiltrations, inaptitudes, trahisons existent comme ne cessent de le clamer les responsables syndicaux, il en découlera rien de moins que l'affaiblissement de l'Etat et l'échec de la lutte contre le terrorisme. De la même façon, annoncer une enquête dont personne ne sait rien, ni si elle a eu lieu réellement, si elle est crédible, ni quels sont ses résultats, ne mènera nulle part. Déposer une cascade de plaintes croisées, ou, au contraire, mettre en avant une quelconque présomption d'innocence, évidente bien sûr, mais insuffisante ici, car on est en droit de lui opposer le principe de précaution, aboutissent à une voie sans issue, comme dans le cas présent. La Tunisie est en guerre, c'est un fait. Elle est censée être une démocratie, cela reste à prouver. Du coup, parlementaires et responsables de tous acabits ont du mal à démissionner, ou plutôt à s'arracher de leurs sièges. Or, en démocratie, les mis en cause démissionnent sans délai, pour restaurer la confiance et l'autorité des institutions. En démocratie aussi, une enquête est menée par des indépendants, crédibles, dignes de foi, les résultats en sont publiés. En démocratie, enfin, chaque personne assume jusqu'au bout les conséquences de ses paroles et ses actes.