Par Hamma HANACHI Bamiyan. Une vallée située dans le nord de l'Afghanistan, alors sous domination des talibans. Il y a plus de 14 ans, ce nom de vallée entrait dans l'histoire par la mauvaise fenêtre. Les semeurs de mort exécutent l'ordre ou « la fatwa » de leur chef, le mollah Omar et entament la destruction des bouddhas géants datant du Ve siècle après J.C. L'ONU et l'Occident s'en offusquent, dénoncent fermement la démolition de pièces appartenant au patrimoine culturel mondial. C'était en mars 2001, la vitesse de l'information était plus lente et le citoyen moins informé. Bamiyan cela fait partie de l'histoire, la mauvaise. On en retient quelques images et on continue. Bagdad. De précieuses pièces sumériennes ont été emportées par des voleurs lors du pillage du Musée archéologique de la ville, des centaines, peut-être des milliers d'objets d'une grande valeur ont disparu. Des vases datant de milliers d'années, des amphores, des statuettes centenaires, des statues fracassées, bref, des quantités d'œuvres saccagées, vandalisées comme par pur désir de destruction. Pillages, vol, destruction se déroulaient devant les soldats américains en poste à Bagdad, ville où les habitants ne connaissent que les meurtres et les assassinats. 2005. Adonis, le poète qui sera l'invité d'honneur de la Foire du Livre de Tunis, à la fin de ce mois, s'indigne et clame : En vérité, c'est au ciel que poussent Les racines de la catastrophe. En vérité à Bagdad les pierres Pourraient se fendre de honte. Ninive. Un nom qui nous faisait voyager dans le temps et nous fait encore rêver des instants. Ninive, au nord de Mossoul en Irak, était cette semaine de février 2015 au centre de l'actualité. Des statues, des pièces imposantes d'une valeur inestimable, des trésors préislamiques ont été saccagés suscitant l'ire des démocrates et la colère des autorités archéologiques. Des reportages et autres documentaires se bousculent sur les écrans dans le monde entier, des humains conscients qui pleurent et dénoncent la barbarie du monstre sans visage et à visage découvert, des hommes réalisant l'horreur de la catastrophe qu'ils voient sans pouvoir réagir. Règne de la terreur, négation de l'histoire autre qu'islamique, telle est l'image que renvoient les djihadistes. Le musée de Ninive est saccagé, les événements de la région dont on veut effacer la mémoire occupent les esprits. L'Unesco scandalisée, déplore la lâcheté, la férocité d'inhumains incultes et intraitables qui veulent faire de la région le cimetière du monde, toujours et encore prêts à accomplir le pire. Les conservateurs de musées, suivis des spécialistes, dénoncent, crient à l'intolérable, à l'inexplicable. Des islamologues et des conférenciers dressent des diagnostics; le mal, la radicalisation ... les sujets ne manquent pas pour occuper les savants, mais la brûlure est apparemment pénible, lancinante et durable. Dans le même poème, Adonis, l'exilé permanent, cité plusieurs fois pour le Nobel de littérature, chantait les dieux préislamiques de la Mésopotamie : Un dieu sumérien m'écoutait En se lavant les pieds Dans les vagues qui relient Le Tigre à l'Euphrate. Adonis a dû voir et pleurer en voyant les barbares salir et fracasser les dieux et les créatures, tel ce taureau ailé à cinq pattes, de la période assyrienne, montré dans la vidéo des assassins. Mais où donc, ces djihadistes ont-ils appris à néantiser tout ce qui précède l'époque islamique, dans quelles écoles ont-ils eu la croyance et la conviction de détruire les œuvres d'avant leur religion sous prétexte qu'elles sont païennes ? C'est dans les écoles coraniques ou medressa, en dehors de la surveillance de l'Etat, à Peshawar ou à Lahore au Pakistan. La destruction des statues géantes de Bamiyan en Afghanistan n'est que la suite logique de cet apprentissage. Combien d'écoles coraniques ou koutebs, échappant à la tutelle du gouvernement, se trouvent dans notre pays, y apprenait-on la tolérance, la paix, le doute, etc? Nous nous sommes réveillés tard, étonnés et sans moyens devant la triste réalité : des jeunes intolérants qui veulent réislamiser les mœurs et changer le pouvoir politique, ils s'attaquèrent à des débits d'alcool, saccagèrent les œuvres d'art à El Abdellia, menacèrent les artistes. Aujourd'hui, nombre de ces fondamentalistes radicaux combattent dans différentes mouvances en Syrie et ailleurs. L'enseignement de la jeune enfance, la culture et la culture de la tolérance, les arts, l'acceptation de l'Autre, on ne le répétera pas assez sont des piliers et le rempart contre l'obscurantisme, la vision unilatérale du monde, bref contre l'idéologie fondamentaliste.