Par Hella LAHBIB Les tensions à l'intérieur de Nida Tounès montrent que la démocratie est irremplaçable. Il en va des organisations politiques comme des pays. Le problème n'est pas de savoir qui a tort et qui a raison. Le problème n'est pas d'avoir des divergences. Ce n'est pas non plus un film où il y a de très bons et de très méchants. Chacun est bon et potentiellement méchant, selon ses intérêts. Mais, cette situation était prévisible, inévitable, quels que soient les protagonistes en place. Il s'agit bien d'un problème de gouvernance, que nous avons déjà signalé sur ces colonnes, en particulier à l'occasion des vives tensions en mai et juin 2014. Le désordre était donc programmé. L'être humain est ainsi fait, il a du mal à gérer les intérêts contradictoires. Mettez deux hommes sur une île déserte, ils ne s'entendront pas. Chacun essayera d'imposer son point de vue. Mettez-en quatre, il y aura deux clans, deux contre deux. Dans un parti politique, c'est pire, l'homme politique étant par définition ambitieux. Une ambition forcément égoïste qui prend aux tripes. Aussi, l'espèce humaine a-t-elle inventé la démocratie qui s'est imposée comme le moins mauvais des systèmes, le plus stable, car il comporte des mécanismes de résolution des conflits clairs et opposables à tous. Hafedh Caïd Essebsi est dans son rôle, son ambition est naturelle. Le problème, n'étant pas élu, sa légitimité, il la doit à son nom, et à la nomination par son père. S'il y avait eu des élections, personne ne l'aurait contesté. Le principe de l'élection est clair, on en accepte les résultats ou on s'en va. Or, les tensions sont telles aujourd'hui que l'on devine la suite, si la trajectoire n'est pas corrigée: des lambeaux de pourvoir seront distribués ; ambassades, offices, cabinets ministériels, entreprises publiques, postes de conseillers à chaque courant, en fonction de sa force supposée et de sa capacité de nuisance. Le clientélisme va se développer et le pouvoir de chacun va se jauger à sa proximité supposée avec le prince. Les phénomènes de cour vont s'amplifier, le culte de la personnalité va renaître, avec la lutte des clans, la surenchère et tous les effets pervers des modes individuels d'exercice du pouvoir. Et, ça continuera quels que soient les mécanismes préventifs prévus à Nida. Une solution et une seule s'impose. Organiser un congrès et élire des instances. Seulement, le congrès est par principe rejeté. Question : pourquoi ? Seuls les membres possédant des cartes sont habilités à élire. Or Hafedh Caïd Essebsi étant désigné chef des structures, c'est lui le détenteur de ces sésames qu'il aurait distribués généreusement à ses partisans en excluant tous les adhérents qui n'ont pas fait allégeance. En conséquence, c'est ce que ne cessent de crier ses adversaires : si élections il y a, on connaît d'avance qui les remportera. Un dernier mot, aujourd'hui, le spectacle est affligeant. Il ne faut pas que ça dure. Mais de là à dire on en appelle à la sagesse de tous pour placer l'intérêt du parti au-dessus de tout ?! Nida n'est pas la patrie pour faire preuve à son égard d'abnégation et sens du sacrifice. C'est un parti politique, on y entre pour avoir le pouvoir et ne jamais le céder, si possible.