Par Mahmoud HOSNI Le chef du gouvernement, Habib Essid, s'adresse aujourd'hui aux Tunisiens pour parler de la situation générale, faire un tour d'horizon des problèmes qui se posent avec acuité et évoquer la démarche et l'approche du gouvernement pour aborder l'étape future. Bonne initiative dans la mesure où le chef du gouvernement jette un pont de dialogue avec les Tunisiens pour leur dire toute la vérité quant aux problèmes et aux grands défis auxquels se trouve confrontée la Tunisie, quatre ans après la révolution : les soubresauts, les grèves légales et sauvages qui éclatent ici et là et l'agitation continue dans les villes et villages. Mais, peut-être aussi pour leur annoncer les grandes lignes et les traits dominants du programme que le gouvernement a mis en place et qu'il s'était engagé à réaliser dans les 100 jours qui ont suivi son installation. S'agit-il d'un programme audacieux, original, qui sort des schémas linéaires et désuets établis jusqu'ici et dont les résultats ont été bien en deçà des attentes des Tunisiens en matière d'emploi, de développement et de distribution équitable des fruits de la croissance ? Car c'est là que réside le nœud gordien du problème. Aujourd'hui, plus de deux mois après la prise de ses fonctions, les aiguilles du compte à rebours tournent à plein régime et l'échéance ne peut être reportée aux calendes grecques. Il est vrai que le legs est bien lourd, et il est loin d'être positif : six gouvernements successifs, mais point d'acquis. C'est juste s'ils sont parvenus à maintenir le pays la tête hors de l'eau. Le gouvernement actuel va-t-il pour autant mettre les bouchées doubles, rattraper le temps perdu et sortir le pays de l'ornière ? A n'en plus douter, il y a des partenaires qui sont en première ligne. A commencer par l'Assemblée des représentants du peuple dont le dysfonctionnement latent retarde l'examen et le vote des textes de loi prioritaires qui pourraient donner à l'exécutif les moyens de son action. Les députés se sont-ils installés dans la durée pour ne pas se tuer à la tâche et sortir le pays de la situation transitoire qui perdure ? Il y a ensuite la centrale syndicale qui donne parfois l'impression d'être débordée par les revendications de certaines corporations et de peiner à suivre le mouvement. De l'autre côté, il y a la centrale patronale qui semble lancer : instaurez la stabilité, la sécurité et la paix sociale à ce prix, nous sommes prêts à investir dans les régions, à lancer des projets. Et les Tunisiens, devant cette trilogie ? Une enquête menée récemment a abouti à ce constat : la valeur travail vient en seconde position et est loin d'être la valeur sacrée et première. Avec toutes ces équations, la Tunisie parviendra-t-elle à franchir le Rubicon et à se mettre — enfin — sur la voie du décollage ?