Durant ces derniers jours, Nida Tounès a offert à ses militants et ses électeurs un spectacle de psychodrame interne qui n'en finissait plus de rebondir depuis la victoire aux élections législatives. Arrivé au pouvoir au bout de seulement deux ans d'existence à la faveur d'élections libres, transparentes et démocratiques, le mouvement Nida Tounès a failli tomber du haut de son piédestal. De brouille en brouille, il vient d'éviter, de justesse, une crise profonde qui a failli l'emporter et faire perdre espoir aux militants. Il n'en fallait pas beaucoup pour ressusciter des doutes sur sa capacité de gérer son nouveau statut de parti de pouvoir, comme si ses dirigeants avaient été pris de court par la double victoire dans les deux scrutins, législatif et présidentiel. Ou comme s'ils n'étaient pas bien préparés à bien gérer cette nouvelle situation. Loin s'en faut. Car, les dissensions ont commencé à voir jour lors du choix du chef de gouvernement et au cours de sa formation. On reproche à l'actuel locataire de La Kasbah de s'être comporté avec Nida Tounès non comme le parti vainqueur en charge de la formation du gouvernement, mais comme un parti parmi tant d'autres. En effet, sur une quarantaine de membres de son gouvernement, le premier parti n'en compte que sept, contre une vingtaine d'indépendants, pour la plupart issus de la défunte Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. Des ambitions légitimes mais débordantes La montée des ambitions, certes légitimes, mais débordantes chez certains dirigeants du parti, a primé sur l'esprit consensuel qui a toujours guidé le mouvement en l'absence d'institutions élues. La situation a commencé, alors, à se tendre de plus en plus avec des déclarations de quelques-uns de ses membres qui n'ont pas ménagé l'instance constitutive du parti de leurs critiques allant jusqu'à la remettre en question et à considérer ses décisions comme nulles et non avenues. Les accusations ont fusé de part et d'autre et on a assisté à un déballage médiatique sans précédent où tous les coups ont été permis avec des insultes et des accusations qui s'exprimaient à tort et à travers sur les plateaux de télévision. Le dernier conseil national tenu à la convocation du groupe dit «réformiste» mais sans l'accord de l'instance, la seule habileté à le faire, a fini par créer une fissure au sein du parti, entre «légitimistes» et «putschistes». Sentant le danger de la division, les bonnes volontés se sont empressées pour essayer de contenir la crise. D'abord, le président Béji Caïd Essebsi qui, regardant, avec beaucoup de tristesse et d'inquiétude, «ses enfants» s'entredéchirer, a décidé d'intervenir pour appeler au respect de la légitimité de l'instance constitutive et à l'unité autour du parti. Une manière de sonner une fin de partie sale et de mauvais goût. Ensuite, la mobilisation de plus de 70 députés et d'une centaine de membres du bureau exécutif et du conseil national qui ont signé des pétitions pour l'unité et contre la fronde. Le reste fut l'œuvre de Mohamed Ennaceur, l'homme de consensus, et des membres de l'instance constitutive qui ont réussi à tourner la page de ce psychodrame politique et à s'entendre sur une sortie de crise. Hafedh Caïd Essebsi, le responsable des structures, revient alors à de meilleurs sentiments et accepte de siéger à l'instance après l'avoir boudée pour un certain temps, parce que, d'après lui, elle a échoué dans la gestion des affaires du parti. Une feuille de route en sept points Une nouvelle feuille de route, en sept points, a été adoptée et publiée sous forme de communiqué. Le bureau politique se composera de 34 membres au lieu de 30 comme annoncé précédemment. En plus des 14 membres de l'instance constitutive, les 20 autres, dont au moins 8 femmes, seront élus dimanche 22 mars, à parts égales parmi les membres du bureau exécutif et les députés par un collège unique, puisque les 86 députés intégreront le bureau exécutif à partir de cette date. Ce bureau aura pour principales missions de préparer le prochain congrès et d'arrêter les grandes orientations du parti. Il a été décidé d'ouvrir de nouveau la liste des candidatures du 17 au 19 mars inclus. Consciente des difficultés qui pourraient surgir de nouveau, l'Instance priviligie le consensus dans le choix des membres du bureau aux élections qui risqueraient de faire renaître les vieux démons de divergences et de divisions. Faute de quoi, les urnes trancheront. Ainsi, comme l'a dit le porte-parole Lazhar Akremi, «n'en déplaise aux Cassandres qui ont parié sur l'émiettement de Nida Tounès, lui prédisant le sort du CPR, le parti a survécu à ses divergences grâce à la bonne volonté de ses vrais militants, hommes et femmes, capables de surmonter les difficultés et sauvegarder son unité».