Les initiatives d'internautes pleuvent depuis le soir de l'attaque du Bardo afin de donner une autre visibilité au drame. Sur Facebook et Twitter, le Bardo est désormais associé à la solidarité internationale avec la Tunisie et à la résistance de son peuple Comme toujours dans ces moments de profonde crise nationale, les réactions sur la Toile et particulièrement sur les réseaux sociaux furent instantanées. Dès la prise d'assaut du musée du Bardo par les forces de l'ordre vers 15h30 et l'élimination des deux assaillants armés de kalachnikovs qui ont pris en otage des dizaines de touristes dès midi trente, une campagne «Je suis Bardo», accompagnée de la devise «Solidarité avec la Tunisie», s'est déclenchée sur Twitter et Facebook. Elle est inspirée par le fameux slogan «Je suis Charlie» mis en ligne le 7 janvier 2015 par un graphiste français, Joachim Roncin, à la suite de l'attentat jihadiste contre le journal satirique Charlie Hebdo. Très vite l'expression, traduite dans toutes les langues, devient un des slogans les plus utilisés dans l'histoire du réseau Twitter. En Tunisie, dans un pays encore ébranlé par le carnage du Bardo, 23 morts et une quarantaine de blessés, une autre opération prend forme spontanément le soir du 18 mars sur Facebook. Elle est intitulée : «I will come to Tunisia this summer» (Je viendrai en Tunisie cet été) et recommande : «Soutenez la Tunisie en venant passer vos prochaines vacances dans le pays de l'amitié». «Je viendrai en Tunisie l'été prochain» Kérim Bouzouita, chroniqueur politique, blogueur et conférencier, crée la page « I will come...», après avoir reçu sur son mur la photo d'un jeune Serbe tenant à la main une pancarte où il promet de passer un séjour en Tunisie lors de la prochaine saison estivale. Des antécédents de la même veine initiés par une association ont eu lieu après la révolution pour réactiver un tourisme local en berne. Zied Chargui, un jeune cadre du ministère du Tourisme, surfe lui aussi depuis quelques jours sur le Net sur cette tendance de solidarité internationale vis-à-vis d'un secteur qui emploie près d'un demi-million de Tunisiens. La campagne qu'anime Kérim Bouzouita incarne quelque part une réaction contre le titre mortifère du quotidien Libération du 18 mars: «La Tunisie c'est fini. Le tourisme c'est fini». Elle a pour objectif : « d'atteindre une meilleure saison touristique que celle de 2010, du temps de Ben Ali. Pour qu'on arrête de répéter c'était mieux hier !», explique le blogueur. En moins de 24 heures, la page récolte plus de 40.000 mentions «j'aime». Des milliers de photos suivies de la promesse de venir en Tunisie y sont relayées de Grande-Bretagne, France, Suisse, Italie, Allemagne, Espagne, Ukraine, Norvège, Pologne, Algérie, Maroc, Jordanie, Palestine, Liban, Canada, USA, Chine...Comme dans une sorte d'échange et de dialogue, de jeunes Tunisiens postent également leurs photos pour souhaiter la bienvenue à tous ceux qui comptent voyager en Tunisie cet été. «Pour ses problèmes sécuritaires actuels et les faiblesses de son service, la Tunisie n'a pas aujourd'hui les moyens de rivaliser avec d'autres pays de la région tels que le Maroc ou la Turquie excepté avec un slogan qui focalise sur l'amitié entre les gens», détaille K. Bouzouita. Afin de capitaliser sur le buzz créé par la page, Kérim Bouzouita veut aller plus loin. Il vient de lancer un appel aux artistes plasticiens, artistes du numérique, graphistes, agences de communication pour créer à partir des milliers de portraits reçus une œuvre à l'effigie de la solidarité internationale avec la Tunisie. Tous au Bardo le mardi 24 mars ! Pour Amel Djaiet, journaliste spécialisée dans le tourisme et experte en communication, c'est encore une fois la société civile qui se transforme en cellule de gestion de crise : «Réactive et créative, elle se substitue au gouvernement, qui n'arrive encore pas à comprendre que le virtuel a permis de dépasser les cloisonnements et les frontières». Justement c'est grâce à des initiatives privées qu'un «vide a été rempli, et qu'une autre visibilité fondée sur la résistance a émergé», souligne A. Djaiet, qui évoque «la guerre des contenus». Ainsi sans la manifestation organisée le soir de l'attentat sur l'avenue Bourguiba, à partir d'une alerte Facebook, les 20h des télévisions du monde qui ont relaté l'évènement se seraient suffi des images de terreur et de carnage, que cherchent d'ailleurs à transmettre les jihadistes. Ils n'auraient pas conclu leurs reportages sur une note d'espoir et de ténacité exprimés par les Tunisiens cette nuit-là sur l'artère principale de la capitale. Dernier évènement programmé pour tourner le drame que vient de vivre le pays en un moment de force et de solidarité entre les uns et les autres, celui qui fait déjà le tour des réseaux sociaux depuis avant-hier. Il s'intitule : «Tous au Musée du Bardo pour sa réouverture le mardi 24 mars à 10h00». Amel Djaiet a essayé de convaincre les responsables du site du ministère du Tourisme de relayer l'information. La réponse a claqué sèche et rigide : « On ne communique que sur les évènements que nous lançons !».