Une marche imposante partira, en début de cet après-midi, de la place Bab Saâdoun en direction du musée du Bardo, en réaction aux derniers événements terroristes C'est aujourd'hui que le Forum social mondial (FSM) 2015 ouvrira ses travaux à Tunis, sur un air de défi et de solidarité communautaire suite au lâche attentat terroriste ayant ciblé le musée du Bardo, mercredi dernier et qui a fait beaucoup de morts et blessés parmi des touristes de différentes nationalités. Et malgré tout, nos invités du monde entier semblent n'avoir pas cédé d'un pouce pour marquer leur présence à nos côtés. D'ailleurs, près de cinq mille associations et organisations civiles, déjà inscrites à ce rendez-vous, ont tenu à répondre à l'appel. Sans avoir annulé leur participation ou manifesté aucune réticence à cet égard. C'est que le terrorisme ne saura être vaincu que par la force d'une telle vaste mobilisation aussi volontaire que spontanée. Cette détermination à franchir le spectre de la peur illustre bel et bien l'ampleur d'un phénomène inhumain, sanguinaire et rétrograde. Un terrible phénomène qui n'a, certainement, ni religion ni frontières. Voilà pourquoi nos hôtes venus de 120 pays ont renouvelé leur soutien à la Tunisie et leur totale adhésion au déroulement de cet événement de portée internationale sous nos cieux. Un élan de solidarité fort apprécié par tous les membres du comité préparatoire du FSM lors d'une conférence de presse tenue, hier, matin, dans le but d'annoncer le programme de cette édition, dans ses détails logistique, organisationnel et sécuritaire. Avec de légers ajustements qui y ont été apportés, suite aux derniers douloureux événements du Bardo. Mais pas trop de changements. Sauf que la marche, prévue aujourd'hui à 15h, a, finalement, changé d'itinéraire initial — de l'avenue Bourguiba à la Place des Droits de l'Homme à Mohamed-V à Tunis — pour partir de Bab Saâdoun jusqu'au musée du Bardo. Et là, d'après les organisateurs, un message fort significatif, révélateur de défi et de contre-attaque symbolique à forte connotation solidaire. Le président du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes), qui est aussi le coordinateur dudit comité, M. Abderrahman Hedhili, a qualifié cette marche d'ouverture d'imposante, de par sa grandeur en nombre, mais aussi de par sa portée en termes de temps et du lieu de son organisation. Plus encore, elle aura pour mot d'ordre, « les peuples du monde contre le terrorisme ». Cela reflète, bien entendu, l'impact de la solidarité effective des militants altermondialistes avec la Tunisie et son peuple, ainsi que les familles des victimes de différentes nationalités, lit-on dans un communiqué issu de la récente réunion du comité préparatoire du FSM 2015. Ce dernier est, en fait, « une réponse des sociétés civiles du monde à la situation que nous vivons », ainsi explique M. Gustavo Massiah, un des pères fondateurs du FSM. Mais, pourquoi un tel forum se tient-il pour la seconde fois à Tunis ? L'orateur répond à la question en donnant à notre pays toute la légitimité requise qui en fait, à deux reprises consécutives, la capitale du monde. Tout d'abord, parce que c'est en Tunisie qu'a commencé, en 2011, la révolte du peuple contre la crise du néolibéralisme et du système mondial géopolitique, économique, culturel et écologique, laissant émerger, ensuite, une série de mouvements protestataires, en Egypte, au Yemen et dans le reste du monde». « Et c'est en Tunisie, ajoute-t-il, que le mouvement tunisien a défini ce que nous pouvons qualifier de programme repris et enrichi par les autres mouvements civils, celui-ci étant bien la dignité, le refus des inégalités, de la domination et des discriminations, les libertés politiques individuelles et collectives et le refus de la corruption. Ce sont là, à vrai dire, les valeurs et les fondamentaux du Forum social mondial ». Autre argument avancé, le succès de l'édition 2013 qui a incité à avoir, encore une fois, choisi la Tunisie pour abriter, cette année, une nouvelle édition du FSM. Idem, de par le fait que la région du Machrek-Maghreb demeure aussi au centre des crises du monde, d'où l'importance, selon lui, de revenir en discuter sous un même toit rassembleur qu'est le FSM-Tunis 2015. Et M. Massiah de poursuivre que ce dernier sera un espace de débat sur les maux des sociétés dans la région, mais aussi dans le monde entier « où nous vivons une situation très grave ». Dans ce sens, il s'est référé à la citation d'Antonio Gramsci, peu avant de mourir avant la Seconde Guerre mondiale qui disait : «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair obscur surgissent les monstres.. ». Et partant, il a insisté qu'il faut en finir avec le vieux monde, inventer un nouveau monde, mais aussi lutter contre les monstres, à savoir les régimes dictatoriaux et le capitalisme sauvage, au sens large du terme. « Voici, en fait, la vocation du FSM, en tant qu'un des moments les plus démocratiques dans le monde, puisque près de 5 mille associations veulent discuter de l'état du monde, pour proposer une véritable transition sociale, écologique et démocratique.. », conclut-il. M. Damien Azar, représentant de la société civile brésilienne, était aussi de même avis. Pour lui, Tunis, tout comme Porto Allegre, où a eu lieu la première édition du FSM en 2001, est en train de devenir le deuxième grand territoire d'identité culturelle planétaire du FSM. Son programme s'annonce haut en couleur. M. Hedhili a relevé que la séance d'ouverture, aujourd'hui, sera marquée par deux assemblées générales, l'une dédiée à la jeunesse, l'autre aux femmes du monde. A partir de demain, plus de mille activités autogérées seront au menu, avec des assises de convergences à thématiques diverses. Au campus universitaire Farhat Hached-El Manar à Tunis, de multiples espaces de dialogue et d'échange seront animés, dans le cadre de ce qu'on appelle « Villages » et « Carrefours », tous destinés à réfléchir sur des questions communautaires aussi préoccupantes telles que l'immigration, justice sociale, citoyenneté, droits et égalité des chances, alternatives économiques, changements climatiques et bien d'autres problématiques qui ne cessent de ralentir l'évolution du monde. Parallèlement, il y aura également des tables rondes qui auront à poser une question phare : quel monde se prépare ? Les participants traiteront de la mondialisation et du capitalisme, des nouvelles guerres et violations et les nouveaux droits. Il sera aussi question de s'interroger sur les alternatives à dessiner ensemble. Le tout pour changer le visage de ce monde. Cela serait-il, réellement, possible ?