L'analyse des résultats a montré que plusieurs erreurs d'inclusion et d'exclusion ont été faites. 50% seulement des ménages bénéficiaires du Programme national d'aide aux familles nécessiteuses répondent aux bons critères alors que 40% devraient être couverts par le programme des soins à tarif réduit Il y a deux décennies, le gouvernement tunisien a mis en place deux grands programmes nationaux d'aide sociale pour lutter contre la pauvreté, à savoir le Programme national d'aide aux familles nécessiteuses (Pnafn) et le programme des soins gratuits ou à tarif gratuit destiné aux familles pauvres. Le premier vise à améliorer les conditions sociales des catégories les plus démunies grâce à un transfert monétaire direct et le second leur permet d'accéder à un droit essentiel qui est celui de la santé pour tous. Au cours de ces dernières années, si ces programmes ont permis d'atténuer un tant soit peu l'impact sur les plus pauvres de la crise économique, en les protégeant socialement et en leur assurant des conditions de vie décente, ils n'ont pas réussi à éradiquer totalement la pauvreté en Tunisie. Le taux de pauvreté absolue continue à être élevé avec des écarts importants entre les régions. Plusieurs familles démunies n'ont pas accès au minimum leur permettant d'avoir une vie décente. Le taux de chômage élevé chez les jeunes diplômés issus de familles très pauvres a contribué à accroître le phénomène du commerce informel seul recours pour subvenir aux besoins des catégories modestes. Après la révolution, plusieurs mesures ont été prises pour renforcer ces programmes et améliorer l'aide sociale destinée aux catégories les plus démunies. Le nombre des familles bénéficiant du Pnafn est passé de 135.000 à 235.000 familles. Le gouvernement a, par ailleurs, prévu de revaloriser l'aide mensuelle ramenée à 150 dinars à partir de ce mois contre 120 dinars. Le programme des soins à tarifs réduits pour les personnes et les ménages les plus démunis a, par ailleurs, été élargi à un nombre plus élevé de personnes bénéficiaires par l'octroi de 600.000 cartes contre 200.000. Mais malgré la prise de nombreuses mesures pour éradiquer le phénomène de la pauvreté, celle-ci continue à persister, notamment dans les régions intérieures. Selon les dernières statistiques, 15,5% de la population vit en-dessous du seuil de la pauvreté et 5% en-dessous de celui de l'extrême pauvreté, ce qui remet en doute l'efficacité de ces programmes. Aujourd'hui, plusieurs facteurs sont mis en cause dont un ciblage inadéquat des populations bénéficiaires, une information imparfaite et insuffisante sur le niveau des revenus et une insuffisance de la couverture des régions où vivent les familles les plus pauvres par les travailleurs sociaux. C'est ce qui a amené le Centre de recherche et d'études sociales relevant du ministère des Affaires sociales à conduire une grande enquête d'évaluation sur la performance des programmes d'assistance sociale. Quatre objectifs Démarrée au début de l'année 2014 et achevée en septembre dernier, cette enquête, qui a été réalisée sur un échantillon comportant 1.800 ménages sélectionnés de façon à ce qu'ils soient le plus représentatifs possible de la population, s'est articulée autour de quatre principaux objectifs : l'évaluation de la qualité du ciblage des personnes bénéficiaires des programmes, l'évaluation de l'impact de ces programmes et de l'efficacité des transferts monétaires directs sur la réduction de la pauvreté ainsi que l'évaluation des erreurs d'exclusion et d'inclusion. Les résultats préliminaires ont été présentés, hier, au cours d'un séminaire organisé par le ministère des Affaires sociales. «Nous sommes ouverts à toutes les recommandations pour l'amélioration du ciblage, pour réduire au maximum les erreurs d'exclusion qui persistent malgré tous les efforts menés en vue d'étendre la couverture aux plus démunis et également pour éliminer les erreurs dites d'inclusion qui ont longtemps caractérisé ces dispositifs en raison des facteurs multiples liés aux dysfonctionnements du programme d'aide aux familles nécessiteuses surtout dans les régions», a noté, à ce propos, le ministre des Affaires sociales, Ahmed Ammar Youmbai. Cette enquête a notamment fait ressortir comme principal point faible caractérisant les programmes d'aide sociale aux catégories les plus démunies, celui de la mauvaise qualité de l'appréciation des personnes qui devraient bénéficier de ces programmes. L'analyse des résultats a montré, en effet, que plusieurs erreurs d'inclusion et d'exclusion ont été faites. 50% seulement des ménages bénéficiaires du programme national d'aide aux familles nécessiteuses répondent aux bons critères alors que 40% devraient être couverts par le programme des soins à tarif réduit. D'autres statistiques ressortent de cette enquête également. Sur mille ménages qui bénéficient de la couverture du Programme national des soins à tarif réduit destinés aux familles à revenu modeste, 500 ménages sont réellement concernés par ce programme tandis que 350 ménages bénéficiaires ont été inclus par erreur suite à une mauvaise appréciation de leur niveau de vie et de leurs conditions sociales alors que 150 ménages couverts par ce programme devraient plutôt bénéficier de l'aide aux familles très pauvres. «Il s'agit d'erreurs d'appréciation, explique, à ce propos, l'économiste Sami Bibi. Le ministère des Affaires sociales va pouvoir, sur la base de ces données, réaliser un meilleur ciblage des personnes qui doivent bénéficier de ces programmes et étendre la couverture du programme national d'aide aux familles nécessiteuses à celles qui en ont été injustement exclues à cause d'une mauvaise appréciation de leurs conditions et parce que les travailleurs sociaux n'ont pas suffisamment ratissé les régions intérieures pour détecter les foyers de pauvreté extrême».