Mondher Rezgui : «Certaines parties étrangères veillent à ce que le conflit s'éternise en fournissant armes et munitions» En visite en Tunisie, l'envoyé spécial de la présidence de la Commission de l'Union africaine (UA), M. Dileita Mohamed Dileita, a rencontré quelques journalistes hier afin d'expliquer le rôle de l'Union africaine dans les tentatives de résolution du conflit libyen. Ex-Premier ministre de Djibouti, M. Dileita ne se fait pas beaucoup d'illusion et sait que l'entreprise n'est pas aisée. Il rappelle ainsi que l'affaire libyenne est sujette à des ramifications internationales et à des enjeux géostratégiques qui dépassent parfois la Libye. «Quelques heures avant les frappes françaises en Libye en 2011, l'UA a voulu dépêcher 5 présidents africains avec une feuille de route pour une solution pacifique, se souvient l'émissaire. Sauf que d'une manière étonnante, l'espace aérien a été très vite fermé et les frappes ont commencé». Selon lui, c'est véritablement là que les choses commencent : des intérêts divergents de plusieurs puissances étrangères, la mise en place d'une classe dirigeante inexpérimentée, la formation de milices proches de Daech et le retour des tensions tribales. Autant d'éléments qui font de la Libye un pays quasiment ingouvernable pour l'instant. Bien qu'il reconnaisse la légitimité internationale du gouvernement de Tobrouk, pas question pour lui d'évoquer même la possibilité d'une intervention ou d'un soutien armé. «L'expérience passée nous a démontré les conséquences désastreuses de toute ingérence violente dans le conflit libyen, affirme-t-il. Et de toute manière, ni le gouvernement de Tobrouk ni celui de Tripoli n'ont les moyens de trancher militairement les choses en leur faveur». Pour l'UA donc, la solution au conflit libyen ne peut se faire qu'à travers la table de négociations. «Ce qu'il faut à la Libye pour s'en sortir, c'est que les pays étrangers allègent leurs ingérences négatives», confie Mondher Rezgui, représentant spécial et chef du Bureau de liaison de l'Union africaine en Libye. «Si les armes et les munitions ne sont plus disponibles, la guerre ne peut pas se poursuivre, continue Mondher Rezgui. Or la Libye est sujette depuis quelque temps déjà à un embargo sur l'importation d'armes et le conflit continue. La conclusion que j'en tire est que certaines parties étrangères veillent à ce que le conflit s'éternise en fournissant armes et munitions». L'envoyé spécial de la présidence de la Commission de l'Union africaine ne cache pas son scepticisme compte tenu de la situation actuelle dans laquelle se trouve la Libye. Mardi, l'émissaire spécial des Nations unies pour la Libye, Bernardino Leon, n'a même pas pu sortir de l'aéroport de Tobrouk et a dû rebrousser chemin en raison de l'agitation constatée sur place. En tout cas, si la table de négociations est nécessaire, elle sera peut-être installée en dehors des frontières Libyennes. Le 1er avril, aura lieu à Niamey (Niger) la troisième réunion du groupe de contact international sur la Libye pour tenter d'amorcer ne serait-ce que le début d'un dialogue. Espérons toutefois que ce ne sera pas un poisson d'avril.