L'équipe de Tunisie donne encore l'impression de ne pas avoir acquis la fermeté du système, les articulations et la science du rythme. Elle a encore davantage de chemin à accomplir qu'on ne pouvait le supposer... Dans les grandes ou petites compétitions, les équipes qui gagnent sont celles qui attaquent, qui créent, qui ne se dégonflent pas, qui vont chercher l'adversaire dans son camp et qui ont une maîtrise de balle positive. L'image d'une sélection dépend beaucoup trop et presque uniquement de sa manière de jouer, du comportement de ses joueurs sur le terrain et bien entendu des options de jeu préconisées. Tout cela n'est pas lié uniquement au sélectionneur. Cela aurait été sûrement pareil avec d'autre. On juge, certes, aux résultats. Et au jeu. Mais osons quand même le dire au jeu avant les résultats. Dans sa version actuelle, l'équipe de Tunisie et à travers ce qu'elle a laissé entrevoir face au Japon, le jeu, le spectacle, mais aussi l'efficacité ont oublié de se mettre en vitrine. Il ne s'agit nullement d'un concours de circonstances. Le jeu, la créativité furent longtemps une soustraction dans le mode d'emploi de la sélection. Indiscutablement, elle ne semble pas souffrir la comparaison et donne encore et toujours l'impression de ne pas avoir acquis la fermeté du système, les articulations et la science du rythme. Forcément, elle a encore davantage de chemin à accomplir qu'on ne pouvait le supposer. On l'a souvent dit et on ne cessera jamais de le redire : les priorités de l'équipe de Tunisie devront se situer dans la recherche d'une harmonie encore plus efficiente, d'une unité de pensée et d'action encore plus efficace. Dans sa version actuelle et dans le jeu qu'elle développe, elle aurait tendance à susciter la crainte auprès de ses supporters. Ce qui lui manque le plus, c'est autant l'aspect technique des choses que l'évolution psychologique des joueurs et la préservation des dons individuels dans un collectif ordonné. Le modèle tunisien impose l'idée conservatrice selon laquelle l'évolution et les innovations techniques et tactiques se trouvent affectées par des considérations contre nature. Depuis longtemps, personne n'a osé justement remettre le comportement des joueurs au centre des débats, et encore moins donner un peu de grandeur à l'équipe. On s'est souvent caché derrière les faux alibis, les polémiques inutiles. On ne s'est jamais arrêté à temps lorsqu'on sentait qu'on était sur le point de déborder. Ce n'est peut-être pas une façon de dire les choses, mais on a l'impression qu'au fil du temps la sélection ne parvient pas à renverser le code et à inverser la trajectoire. Cela fait désordre!... Tout ce qu'elle ne cesse d'entreprendre avec tel ou tel entraîneur fait partie du même ordre en ceci qu'il mélange fiction et réalité. Pourtant, le jeu fait partie des priorités absolues, la créativité, l'inspiration, l'instinct s'indiquent comme tels. Mais la sélection évolue autrement. Elle ne s'épanouit pas sur le terrain. A travers ce comportement, elle ne fait que s'estomper les repères, brouiller les certitudes. La prestation contre le Japon, l'incapacité de créer ne serait-ce qu'une occasion de but durant quatre-vingt-dix minutes de jeu, la tendance exclusive à subir plutôt que d'attaquer nous donnent l'impression que la sélection vit l'âge sceptique du football. La fresque est un rite d'adhésion collective. Bien défendre, si tel est vraiment le cas, ne suffit pas à faire une grande équipe. Il faut autre chose. Il faut réhabiliter la valeur de jeu, notion ces temps-ci oubliée, délaissée, ringardisée, alors qu'elle est la priorité suprême de l'équipe. Crise de jeu, crise de résultats, crise d'identité, on cumule les ennuis. Tout cela dépasse largement le débat autour des dispositions réelles des joueurs. Aujourd'hui, la question essentielle n'est pas de savoir s'ils sont du passé, s'ils ont encore de l'avenir. Le mal est beaucoup plus profond et il touche aux racines d'une équipe qui n'affiche pas, ou qui ne veut pas afficher réellement ses ambitions. Qui n'a pas démontré jusque-là un véritable projet de jeu. Quiconque refuse la nature collective et offensive du jeu ne peut prétendre progresser et évoluer. Tout est reniement dans le bon sens de la défense excessive. C'est l'occasion de dire qu'on ne doit plus oublier les valeurs qui font remuer les équipes. Elles représentent la vitalité du football tunisien. Pas la peine d'attendre les grands rendez-vous pour plonger au cœur de la performance: M. Leekens, le ballon rond vous y invite dès à présent. Vous et vos joueurs!...