On désire que l'engouement, la compétence, la passion et la volonté soient forts en sélection et plus jamais en rupture de stock. C'est souvent la même histoire avec l'équipe de Tunisie. Elle suscite l'espoir un jour, puis elle s'écroule le lendemain, pathétiquement. Des matches qui, au fond, se ressemblent et à travers lesquels on a l'impression qu'elle a du mal à trouver sa place et que sa protection n'est pas vraiment assurée. C'est un gros problème, dans la mesure où l'équipe a de plus en plus tendance à oublier de développer un véritable fond de jeu. Inexistants dans l'entrejeu, sans inspiration dans la construction et aussi écrasés physiquement, les joueurs ont ajouté à cette triste liste, lors du match contre le Japon, un déficit de détermination évident. Le tout sous les yeux de leur entraîneur qui ne semble plus maître de la situation autant que ses hommes. On le sait déjà, les défaillances mentales sont souvent compensées par les dispositions techniques et le savoir-faire des joueurs-cadres. Le problème est bien là : en sélection, les joueurs, quels que soient leur niveau, leur statut et leur degré de forme, ne s'assument pas pleinement. Ou du moins, ils n'évoluent pas dans leur meilleur élément. Leekens ne cesse d'insister sur la nécessité de réduire les espaces. Il insiste plus que d'ordinaire sur l'application défensive des joueurs. Les considérations tactiques et la répartition des rôles, qui nuisent au jeu, ne sont en aucun cas un phénomène naturel. Ils résultent des effets conjugués d'inspirations tactiques insuffisantes, de modalités et de stratégies mal pensées. La plupart des sélectionneurs, qui ont précédé Leekens, avaient compris qu'il y a deux recettes pour être à l'abri des reproches et des critiques. La première consiste à gagner en ayant le flair de partir avant de commencer à perdre. L'exemple de Chetali est très significatif à ce sujet. Gagner est dur, s'arrêter sur une victoire l'est encore plus. La seconde recette consiste à se tenir loin des affaires, n'avoir à décider de rien, laisser à l'opinion le temps d'oublier ses reproches et, hop ! la cote grimpe. Ne pas s'impliquer est, des fois, le plus sûr moyen de ne pas se tromper et de ne pas être tenu pour responsable de tout ce qui peut arriver. La passivité, titre de noblesse ou pratique à éviter à n'importe quel prix? Les leçons du ballon rond n'engageraient que ceux qui les écoutent. Il y aura certainement toujours ceux qui usurpent la place de la créativité et la spontanéité dans le jeu. Les signes de la vertu sans la vertu. Ils vaincront, même s'ils gardent le pouvoir d'appeler blanc le noir et noir le blanc. Car ils ont l'aptitude de faire du refus de prendre parti un parti pris. Un exploit, nous en convenons. Momentané, mais ils n'iront jamais jusqu'au bout. Sachez-le, M. Leekens, à votre tour : on désire que l'engouement, la compétence, la passion et la volonté soient forts en sélection plus qu'ailleurs, et plus jamais en rupture de stock. Ils ne mettent pas à distance. Bien au contraire, ils resserrent les rangs. La sélection a aujourd'hui besoin d'une palette plus large, celle qui devrait lui permettre de dérouler un football multiforme, à géométrie variable. Toute politique de jeu spectaculaire et séduisant n'élimine certes pas tous les risques. Mais ça sera l'occasion pour que le football regagne son lieu de naissance et que la sélection retrouve ses repères et sa vocation. Le jeu relève des bons sentiments, c'est une notion exigeante et combative. Plus encore: les idées les plus sages sont parfois les plus «folles»! Pour tout cela, nous osons espérer que le match de ce matin sera à la fois une responsabilité et une belle opportunité de réconciliation...