Les jeunes comptent trop sur l'Etat et ses structures pour la résolution des problèmes du chômage. Il est temps qu'ils s'assument et prennent leur destin en main. Une large consultation devrait être menée pour permettre à cette catégorie de la population d'exposer ses vues et de proposer ses propres solutions. Tous les partis politiques et les politiciens s'étalent en long et en large lorsqu'ils abordent le sujet de la jeunesse tunisienne. Tous prétendent être à l'écoute de cette importante catégorie démographique. Tous affirment qu'elle représente l'avenir du pays et que tout doit être fait pour l'aider à se placer dans l'échiquier social et bénéficier de tous les avantages.Une belle rhétorique est mise en œuvre dès qu'il s'agit d'évoquer notre jeunesse. Mais cette dernière est désabusée et ne croit plus personne. Chacun cherche à la récupérer pour réaliser des desseins plus ou moins avoués. La trouvant à la dérive, des parties, parfois suspectes, essayent de l'exploiter pour réaliser des objectifs donnés. Une population manipulée Le destin de milliers de nos jeunes en est un exemple. Les criminels et les délinquants ont puisé dans cette manne pour renforcer les rangs des bandes armées qui font la guerre dans les nombreuses zones de conflits. La pègre, les contrebandiers, les passeurs, les narcotrafiquants... ont trouvé une population toute prête à servir et à agir.Même les politiciens et autres magouilleurs ont trouvé le terrain favorable pour recruter ceux qui feront la sale besogne contre rétribution. Des profiteurs manipulent ces jeunes. On les utilise pour bloquer les routes, les voies. Ils sont une proie facile entre les mains de ceux qui possèdent de l'argent et qui ont des objectifs à atteindre. Beaucoup de nos jeunes sont à la dérive et personne ne s'en soucie. En désespoir de cause, certains se lancent dans des opérations de grèves de la faim ou dans des sit-in pour revendiquer, disent-ils, du travail. De telles opérations portent préjudice et aux jeunes en question et à ceux qui travaillent. Des discours, pourtant, leur promettent le paradis. Et cela dure depuis des décennies. D'ailleurs, l'année 2010 n'avait-elle pas été placée sous le signe de «l'année de la jeunesse» par le régime de l'époque ? N'oublions pas ce qui s'est passé après. Une bonne partie de cette jeunesse est descendue dans les rues, sans grande conviction, pour demander le travail.Jusqu'à aujourd'hui rien de concret n'a été fait pour elle. On continue, malgré une conjoncture très difficile, de lui promettre un meilleur avenir. Et cet avenir tarde à venir. L'impatience est à son comble. Faux profil des diplômés Une masse de chômeurs de près de 700.000 personnes dont environ 250.000 diplômés attend son tour pour entrer dans le monde du travail. Les chances ne sont pas très grandes parce que le profil de ces gens ne répond pas comme il faut aux exigences du marché de l'emploi. La formation de ces diplômés est totalement à côté de la plaque si l'on peut s'exprimer ainsi. On constate, en effet, que les techniciens supérieurs et les maîtrisards constituent les catégories les plus touchées par le chômage. Ils sont respectivement de 50% et de 48,7% contre 17,8% seulement pour les ingénieurs et 12,6% pour les médecins et les architectes.La filière «santé et services sociaux» a le taux de chômage le moins élevé (39,7%), celle de l'agriculture et des industries agroalimentaires le taux le plus élevé (71,3%) selon certaines estimations. En dépit de tout, ce qui est décevant chez la majorité des jeunes c'est qu'ils comptent trop sur l'Etat. On a l'impression qu'ils veulent tous un poste de fonctionnaire ou un emploi dans une institution étatique. Cela dénote d'une mentalité d'assistanat dont les diplômés n'arrivent pas à se défaire.Il y a, également, une certaine culture chez nous qui fait que tous ces jeunes chômeurs cherchent une «planque» où ils seront bien payés sans rien faire. Le secteur privé leur fait peur parce qu'ils croient que l'autorité de la hiérarchie y est encore respectée contrairement à la fonction publique où chacun est libre de faire ce qu'il veut quand il veut.Il faudrait changer cette mentalité chez ces futurs travailleurs. L'esprit d'entreprise doit être développé chez eux. Capacité d'entreprendre Il n'y a pas de solution au chômage dans le secteur étatique uniquement. L'initiative privée et la création de projets personnels doivent faire partie des programmes pour ces gens à la recherche d'emploi. Les 4 millions de la tranche d'âge 15- 34 ans constituent un véritable enjeu actuellement. Tous les plans de développement doivent en tenir compte. Car, sans la considération de cette catégorie essentielle de la population, il sera très difficile de concrétiser les objectifs nationaux. Déjà la tranche d'âge 20-24 ans représente à elle seule 1.035.700 de personnes. Or c'est une frange très sensible parce que formée de personnes à risques de déviation, faute de débouchés. La tranche 25-29 ans comprend 1.018.000 de personnes. On y trouve le plus grand nombre de chercheurs d'emplois. Quant à la tranche 30-34 ans elle regroupe une bonne partie des sans-emplois et des plus déçus soit, environ, 899.000 selon les statistiques de l'INS de 2014 (RGPH). Devant ces défis, il n'y a qu'une seule issue : impliquer toutes les parties en vue de chercher les solutions les plus pratiques. Il faut commencer par impliquer, en premier lieu, les jeunes eux-mêmes. Cela pourra se faire à travers des consultations à travers toutes les régions. Il est important de donner la parole de façon directe aux personnes concernées pour qu'elles puissent soumettre leurs propositions et exposer clairement leurs points de vue.En second lieu, il faut que les structures officielles s'investissent plus fort dans la mise en place des instruments susceptibles d'aider les jeunes à se faire entendre. Par ailleurs, les associations et organisations doivent s'engager sérieusement à encadrer cette opération jusqu'à la tenue d'un forum (ou conférence) au niveau national qui serait le fruit d'un long travail d'écoute et de collecte d'informations. Des rapports et des recommandations claires devraient en découler. Le tout servirait aux décideurs en vue de trouver les moyens pour accompagner la jeunesse dans sa recherche d'emploi ou la création d'entreprise.