La présente édition de la foire intrigue bon nombre de participants dont les attentes se heurtent durant les trois premiers jours de l'événement à une affluence nettement timide par rapport à la normale. Après trois ans de silence, le livre refait surface pour le plus grand bonheur des férus de lecture. Une édition tant attendue, qui promet la revalorisation des maisons d'éditions participantes, la mise à la disposition du public de listes colossales de livres de référence, de nouvelles et de contes pour enfants. Des attentes insatisfaites en raison de moult facteurs signalés par les participants comme étant des « hics » à repenser pour les éditions à venir. La timide affluence des visiteurs de la foire internationale du livre revient pour certains au mauvais timing de cette édition. «Jadis, la Foire avait lieu durant la deuxième quinzaine du mois d'avril, comptant ainsi deux week-end et un jour férié. Cette année, ce timing idéal, habituel et conforme à l'agenda international, n'a, curieusement pas été respecté», fait remarquer M. Mohamed Azali, représentant la maison d'édition «al moutawassitiya». Un avis que partage son confrère M. Rached Riahi, responsable à la maison d'édition «Alif». Pour lui, le moment est inopportun pour tenir la foire du livre. Après des vacances pluvieuses, un terrible coup terroriste au Bardo et avec la reprise des cours et l'organisation de la Marche anti-terroriste qui a coïncidé avec la deuxième journée de la foire, il est difficile, pour les Tunisiens, de penser à se déplacer jusqu'au Kram pour faire l'acquisition de livres. Aussi, les impressions de M. Riahi sur l'éventuelle réussite de la présente édition semblent-elles imprécises. «Pour l'instant, c'est le flou qui domine», énonce-t-il, perplexe. Il lance d'ailleurs un appel aux ministères du Tourisme, de l'Education, de l'Enseignement supérieur et de la culture, afin qu'ils planifient des visites en faveur de la foire internationale du livre, «sinon, ce serait une édition ratée», précise-t-il. S'agissant de l'organisation, la plupart des participants interpelés affichent leur contentement quant aux mesures sécuritaires et à la bonne organisation de la foire. M. Azali, en revanche, mésestime l'effort fourni en matière d'organisation. Il trouve, en effet, que certains exposants ont été désavantagés en louant des stands au hall numéro 3. «Ce hall est déserté par les visiteurs. Et dire que nous louons le stand à 100 dollars pour le mètre carré», note-t-il, indigné. Il saisit d'ailleurs l'occasion pour reprocher aux personnalités politiques leur indifférence quant à l'événement. «Ce sont les politiciens et les hauts cadres du gouvernement qui devraient donner l'exemple en visitant la foire du livre ; un geste symbolique qui tarde à venir», ajoute-t-il. Ce n'est ni l'heure ni le lieu opportuns ! M. Nabil Mezzi représente la maison d'édition Ajial ; une maison renommée aussi bien en Tunisie, qu'au Liban et en Egypte. Pour lui, en tant que fidèle exposant à la foire du livre, la présente édition lui semble moins prometteuse que les 16 éditions auxquelles il a pris part auparavant. «L'augmentation de la valeur du dollar en comparaison avec le dinar tunisien est responsable de l'augmentation du prix du livre. Parallèlement, le budget alloué par le Tunisien aux livres diminue au gré de la baisse du pouvoir d'achat», souligne-t-il. Il pense, en outre, que l'attentat du musée de Bardo impacte négativement sur l'humeur des Tunisiens qui hésiteraient mille fois avant de se déplacer jusqu'au kram. «Comme vous le savez, le transport n'est pas garanti jusqu'au Palais des expositions. Si la foire avait été organisée à Tunis, elle aurait sans aucun doute eu de meilleurs échos», ajoute M. Mezzi. Parmi les nouveaux exposants figure la maison d'édition «zakharef». Mme Samira Farhat ne cache pas sa déception de voir une foire internationale du livre intéresser essentiellement des élèves venant dénicher parmi la panoplie ahurissante d'ouvrages de référence, des livres de programmes parascolaires, des manuels de coloriage et de conte bon marché, pour enfants. «D'après ce que j'ai pu constater, le Tunisien ne lit plus. Ses modestes moyens matériels l'empêchent, de surcroît, de s'adonner à l'achat des livres dont il trouve le prix inabordable», indique-t-elle. Lire un peu, beaucoup... passionnément Certes, au cinquième jour de la foire, le palais des expositions ne connaît ni queues indiennes ni bousculades. Cependant, les visiteurs qui ont pris la peine de se rendre à la foire semblent déterminés à quitter les lieux avec des livres de prédilection sur les bras. C'est le cas de M. Abdelhamid Frikha, technicien supérieur. Abdelhamid examine les livres sur la religion. Passionné de lecture, il trouve, non sans déception, que la foire internationale du livre de Tunis est bien devancée, en matière de livres de référence, par les foires de Sfax et de Sousse. Ce qui ne l'empêche guère de dénicher des ouvrages qui l'intéressent. Un peu plus loin, l'on rencontre M. Hadi Chouaïb qui se réjouit de pouvoir trouver le livre publié par un penseur arabe hors pair. «Le plus important, c'est de savoir ce qu'on veut et ce qu'on cherche à connaître. Personnellement, j'admire ces magnifiques encyclopédies qu'affichent certains exposants. Cependant, je n'ai plus suffisamment de temps ni de patience pour lire des milliers de pages», avoue-t-il en souriant. De son côté, M. Mohamed Fawzi Bourjini vient de partir à la retraite. Ayant été jadis un grand lecteur, il compte, une fois débarrassé des contraintes professionnelles, reprendre ses bonnes habitudes d'autrefois. Ce visiteur remarque non sans soulagement la présence prépondérante du livre tunisien. «L'édition post-révolutionnaire de 2011 a été un désastre. Seuls les livres religieux accaparaient les stands», fait-il remarquer. Et d'ajouter qu'il convient, pour les parties concernées, de se pencher sur la présence du livre tunisien dans les pays arabes. «J'étais récemment aux Emirats arabes unis et, contrairement aux livres en provenance des pays frères, le livre tunisien faisait défaut. Une défaillance à combler absolument pour une meilleure visibilité de la littérature et de l'édition tunisiennes mais aussi pour le plus grand plaisir des Tunisiens à l'étranger», renchérit-il.