Par Brahim OUESLATI Critiqué pour des débuts timides à Carthage, Béji Caïd Essebsi a su comment retourner la situation en sa faveur. Le vieux briscard qu'il est, a réussi à faire d'un malheur qui a frappé le pays dans son cœur, un certain mercredi 18 mars, un moment de communion populaire et d'unité nationale. Ne dit-on pas que « le bonheur rassemble, mais le malheur réunit » ? Se posant comme un chef de guerre contre le terrorisme, il doit savourer, quoique dans la douleur, cet élan de sympathie de par le monde et ces marques de solidarité internationale avec notre pays qui ont mis du baume dans le cœur des Tunisiens. Son discours du 20 mars à l'occasion du 59e anniversaire de l'indépendance, dans lequel il a appelé à la réconciliation nationale, ses sorties médiatiques et notamment sa prestation dans le Grand Rendez-vous de Jean Pierre El Kabbach, ont été l'occasion pour lui pour asseoir sa stature d'homme d'Etat et de cultiver sa dimension internationale en présence de nombreuses personnalités du monde dont des chefs d'Etat et de gouvernement. Rassurant, conciliant et rassembleur, il a démontré que face au malheur et aux épreuves il faut réinventer les chemins de l'espoir. Un cérémonial réglé C'est ce chef d'Etat qui porte sur ses épaules tous les espoirs d'un pays épuisé par la crise et en butte au fléau du terrorisme, qui va effectuer une visite d'Etat en France les 7 et 8 avril. La deuxième, depuis son installation à Carthage, après celle réservée à l'Algérie, début février dernier. Un pays qu'il connaît bien pour y avoir séjourné en tant qu'étudiant en droit et y avoir été ambassadeur en 1970. Ce genre de visite d'Etat qui est une visite du plus haut niveau, supérieure à la visite de travail ou la visite privée est, généralement, réservée aux hôtes illustres. Son cérémonial est réglé et très codifié comme du papier à musique. Toute la France officielle déroulera le tapis rouge à son hôte qui, chose rare dans le protocole de la cinquième République, sera reçu par son homologue français François Hollande à l'hôtel des Invalides. En deux ans, Hollande s'est rendu trois fois en Tunisie. La première fois en juillet 2013, pour exprimer devant l'Assemblée nationale constituante son soutien au processus démocratique engagé dans notre pays. La deuxième fois en janvier 2014 pour assister à l'adoption de la nouvelle Constitution et la troisième fois pour participer, le 29 mars dernier, à la marche contre le terrorisme, suite à l'attentat contre le musée du Bardo qui a fait 22 morts parmi les touristes dont quatre Français. Cette dernière visite a définitivement dissipé la petite brouille entre les deux hommes, consécutive au soutien apporté par Hollande à Moncef Marzouki lors de l'élection présidentielle. Béji Caïd Essebsi n'en tient plus rigueur. Autre point d'orgue de la visite présidentielle: c'est la cérémonie qui sera organisée à la grande Université de la Sorbonne où il avait fait ses études, en l'honneur du président de la République qui sera fait docteur honoris causa. Il aura, également, le privilège de prononcer un discours au Sénat avant de se rendre à l'Assemblée nationale où il sera reçu par son président Claude Bartelone, un enfant du pays. Enfin, un détour par l'arc de Triomphe où il déposera une gerbe de fleurs sur la tombe du soldat inconnu. Le président de la République rencontrera à la fin de sa visite, à l'ambassade de Tunisie, des représentants de la communauté tunisienne en France, qui compte plus de 600.000 personnes soit 60% de l'ensemble des Tunisiens à l'étranger. Les promesses du G8 Sur un autre plan, Béji Caïd Essebsi examinera avec ses interlocuteurs la coopération en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Le ministre français de l'intérieur Bernard Caseneuve s'était déjà rendu en Tunisie pour discuter avec le gouvernement tunisien les formes de la coopération technique en matière de sécurité. Notons, par ailleurs, qu'en marge de la visite de Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères, en France, des réunions ont eu lieu à Paris, entre des experts tunisiens et français en présence de responsables émiratis, pour arrêter les besoins de la Tunisie en matière de logistiques et moyens nécessaires au renforcement de ses capacités sécuritaires. Le chef de l'Etat ne manquera pas de rappeler à son homologue français les engagements pris par le sommet du G8 à Deauville les 26 et 27 mai 2011, auquel il avait participé en sa qualité de Premier ministre du gouvernement de transition, et devant lequel il avait présenté un plan de développement économique et social nécessitant une aide extérieure de 25 milliards de dollars. Béji Caïd Essebsi qui répète que « nous ne sommes pas des mendiants » fera, certainement, étalage de sa grande expérience politique et diplomatique pour convaincre ses interlocuteurs de la nécessité de soutenir le processus tunisien.