Dans l'indifférence totale des autorités locales Soixante-dix familles habitant à Gammarth risquent d'être expulsées de leurs maisons. Trente ans après avoir fait l'acquisition d'un terrain de huit hectares sur lequel elles ont construit des maisons et des espaces commerciaux, la propriété de ce lot est remise en question. Il faut revenir trente ans en arrière, en 1983, plus exactement, pour comprendre pourquoi le problème se pose aujourd'hui. Les habitants avaient acquis ce terrain à vocation agricole dans l'indivision. Du temps de l'ancien président Bourguiba, celui-ci, comme beaucoup d'autres, appartenait à l'Office des terres domaniales de Mejerda avant d'être cédé, par la suite, aux agriculteurs qui travaillaient sur ces terres. C'est l'une de ces parcelles qui a été acquise par les habitants de Gammarth, sauf qu'ils l'ont achetée sans qu'elle n'ait de titre de propriété et ne soit enregistrée dans le registre foncier. Les acquéreurs ont, alors, eu recours au tribunal qui leur a délivré un jugement de propriété équivalent à un titre bleu grâce auquel ils ont pu obtenir une autorisation de la municipalité pour viabiliser le terrain. C'est à partir de 2006 que les vrais déboires vont commencer. En effet, une autre personne prétend avoir également fait l'acquisition d'une partie du terrain et détenir un titre de propriété qui lui donne le droit de choisir la parcelle qu'il désire et qui correspond à la superficie qu'il a achetée et qui s'élève à 27.000 m2. (2.7 ha). «Le jugement que nous avons obtenu du tribunal a la même valeur que le titre bleu, a relevé Anis Sridi, un des acheteurs du terrain et propriétaire d'un café construit sur l'une des parcelles du lot. Cette décision judiciaire nous donne le droit d'exploiter exclusivement ce lot. Nous ne comprenons pas d'où provient le titre de propriété détenu par cette personne qui prétend également être propriétaire. Nous soupçonnons cette personne d'avoir trafiqué ce document et de l'avoir obtenu par des moyens illégaux». Mais le fait est là : le titre de propriété qu'il détient lui donne le droit de choisir la parcelle qu'il désire. Or, cet acheteur, un riche homme d'affaires tunisien qui prétend l'avoir acheté auprès d'un citoyen vivant à l'étranger, s'obstine à vouloir choisir une grande parcelle longeant la route de Gammarth et sur laquelle des habitations ont été construites. L'homme d'affaires a tenté de trouver une issue à l'amiable en proposant un montant dérisoire à chaque habitant, en échange de quoi, chacun est sommé de quitter sa maison. Une proposition qui a été violemment rejetée par les habitants du lot. «Il m'a proposé vingt-cinq mille dinars, alors que ma maison coûte beaucoup plus cher. Sa valeur est estimée à 250 mille dinars. Il y a des familles entières qui habitent ici», note un autre habitant de la zone. Face au refus catégorique des habitants de céder leur parcelle, le nouveau propriétaire menace aujourd'hui de les expulser et de raser leurs maisons s'ils ne quittent pas les lieux dans un mois. Et cela dans l'indifférence totale des autorités locales, qui n'ont pas réagi aux nombreuses doléances qui leur ont été présentées au cours de ces derniers mois. «S'il met sa menace à exécution, une catastrophe humaine risque de se produire. Aucun de nous n'est disposé à renoncer à sa maison. Il devra nous passer sur le corps pour obtenir ce qu'il veut. La vie de plusieurs familles risque, en effet, d'être détruite. Et plusieurs personnes ont menacé de se suicider ».