C'est parti. Le nettoyage des artères de la capitale du pullulement des étalages anarchiques, qui poussent comme des champignons même là où on s'y attend le moins, a bel et bien commencé. La nuit de vendredi à samedi a vu la destruction des nombreux étals qui jonchent de jour comme de nuit la célèbre rue des Salines, au cœur du centre de Tunis, connue pour être un temple du commerce parallèle. La police municipale n'y est pas allée avec le dos de la cuillère et a tout rasé laissant derrière elle des tas de déchets composés de cartons, de planches de bois, de morceaux de bâches plastifiées encombrant les lieux. La lutte contre le commerce anarchique a été officiellement annoncée par le gouvernement Essid comme une des priorités de son programme dans les 100 premiers jours de son exercice. Etroitement liée à celle menée contre le fléau de la contrebande, la lutte contre le commerce anarchique vient en réponse aux multiples plaintes des commerçants agréés, en règle avec le fisc, dont l'activité commerciale est en péril, et celles des habitants des rues et quartiers submergés par ces étals envahisseurs et parfois inaccessibles pour les riverains. Mais pas seulement. Ce commerce non conventionnel, qui concerne toutes sortes de produits (agricoles, industriels...) et qui est devenu florissant avec la Libye après 2011, est à l'origine d'un manque à gagner époustouflant pour l'Etat avoisinant les 50% de ses revenus. Le commerce parallèle, qui gangrène l'activité commerciale et économique depuis de nombreuses années, n'est pas facile à endiguer. Pour des milliers de familles et de chômeurs habitant les régions intérieures du pays, longtemps marginalisées en termes de développement, il représente l'unique travail et la seule source de revenus. Avec la contrebande, ce commerce a pris de l'ampleur au cours des quatre dernières années, en raison de l'affaiblissement des brigades de contrôle et de l'apparition du phénomène terroriste. Aménager les espaces adéquats Après la réussite de la transition démocratique et l'engagement de l'Etat avec toutes les forces vives de la nation de gagner le pari de la transition économique, l'anarchie n'est plus tolérée dans quelque domaine que ce soit. S'agissant du domaine commercial, les professionnels ont bien fait entendre leurs voix ces derniers jours en organisant, dans diverses régions, des marches de protestation contre les étalages anarchiques qui bloquent leur activité et même l'accès à leurs boutiques. L'Utica, pour sa part, a soutenu officiellement ces protestations (communiqués) qu'elle considère légitimes, appelant le gouvernement à assumer ses responsabilités pour préserver les intérêts des commerçants en règle avec la loi et l'administration fiscale et rétablir les circuits commerciaux organisés dans l'intérêt du pays. L'Etat semble avoir retenu le message et est passé à l'acte, en l'occurrence à la rue des Salines. Mais, il convient aussi de ne pas omettre deux décisions importantes dans cette affaire. La première consiste à aménager des espaces adéquats pour permettre aux vendeurs anarchiques de poursuivre leur activité et préserver leur source de revenus. Ceci, en attendant de concrétiser la seconde, à savoir l'intégration des commerçants anarchiques dans le circuit conventionnel et fiscalisé. Cette mesure sans cesse ressassée, ces dernières années, par des ministres, des experts et des représentants d'organisations concernées, comme l'ODC, tarde à être concrétisée, alors qu'elle représente une ressource fiscale non négligeable pour les caisses de l'Etat et qu'elle est aussi un des moyens nécessaires pour contrecarrer le phénomène de la contrebande qui alimente le terrorisme.