Le mois d'avril a tout chambardé dans le plan des céréaliers qui nourrissaient l'espoir d'une récolte exceptionnelle. Les maladies et le déficit pluviométrique ont eu l'effet d'un coup de massue sur les exploitants confrontés déjà aux problèmes des charges et à un endettement chronique. D'habitude et selon les céréaliers, c'est le mois de mars qui fait le plus peur de par une pluviométrie irrégulière. Avril est généralement mieux accueilli pour sa générosité en précipitations. Ce n'est pas le cas pour cette saison. Les abondantes pluies l'ont été aux mois de janvier, février et mars. Depuis, aucune goutte n'était enregistrée. Jusqu'aux derniers jours où la température était clémente, l'espoir était toujours chez les céréaliers, même si beaucoup de champs de blé dur et tendre ont été sérieusement touchés par les maladies propres aux céréales et qui se déclarent généralement avec la grenaison (formation du grain). Non seulement ces fléaux ont fait leur apparition assez tôt par rapport au cycle de formation et d'épanouissement des plants, il a fallu que s'y ajoute un déficit pluviométrique important en ce mois crucial de la saison. Les agriculteurs, qui croyaient jusque-là à une récolte d'exception avec de bons rendements à l'hectare et ont commencé à se frotter les mains, surtout après l'augmentation conséquente du prix du quintal de blé annoncée par le gouvernement, ont vite fait de déchanter, pas tous certes, mais pour la plupart d'entre eux. Ceux qui ne peuvent avoir recours à l'irrigation d'appoint. Ils constituent la majorité écrasante des céréaliers du nord et du nord-ouest où la maladie du blé a frappé le plus avec certains champs déjà jaunes ! Fléaux précoces Beaucoup d'exploitants rencontrés du côté de Oued Ezzarga et de Boussalem n'arrivent pas à trouver d'explication au phénomène qui s'est abattu sur leurs champs de blé, estimant à juste titre que ce n'était pas encore la saison des maladies causées notamment par les champignons. Ces derniers n'apparaissent normalement qu'avec l'humidité suite aux pluies et à la hausse brusque des températures. Leur apparition vers la fin du mois de mars cette année a surpris la majorité d'entre eux. Youssef, céréalier de père en fils, affirme qu'un tel phénomène ne s'était jamais produit par le passé. «Le plus intrigant, ajoute-t-il, les traitements habituellement efficaces n'ont pas eu d'effet». Même son de cloche du côté de Mehdi, petit exploitant de Testour, pour qui les produits de traitement sont à mettre en cause. Il semblerait, d'après plusieurs témoignages, que certains produits n'ont plus l'efficacité qu'ils avaient et il a fallu traiter les champs deux, voire trois fois pour endiguer ce fléau ravageur des champignons auquel s'est ajouté, ces derniers jours, celui de la rouille qui stoppe la grenaison et sèche les épis avant épanouissement. Ce fléau est encore plus grave avec la chaleur qui sévit actuellement et qui risque de se poursuivre pour les jours à venir, ce qui ne manque pas d'ajouter au désarroi des agriculteurs, dont les plus chanceux et ayant des champs dans les périmètres irrigués, ont depuis la deuxième semaine du mois courant installé leur matériel et entamé l'irrigation d'appoint pour sauver leur récolte. Cela fera des dépenses supplémentaires, mais ont-ils le choix? Pour Jalel, un jeune céréalier averti et qui a déjà eu à irriguer ses champs après les semailles au mois de novembre, «la récolte est sérieusement endommagée en raison des maladies apparues très tôt et surtout en raison du déficit pluviométrique des deux dernières semaines». Pour lui, l'agriculture dans notre pays — où la pluie demeure un facteur déterminant — est une sorte de jeu de cartes où l'on peut gagner comme on peut tout laisser ! La situation, qui ne manque pas d'inquiéter, surtout pour notre pays qui doit chaque année importer des centaines de milliers de quintaux de blé tendre surtout, pourra être sauvée en partie. Mais tout dépendra des jours à venir et s'il y aura pluie ou non. Dans des régions comme Béjà, le Krib, notamment aux terres riches et au sol froid, l'espoir n'est pas complètement perdu, d'autant que la période de grenaison est en retard par rapport à des régions comme celles du Fahs, Mjez El Bab et les environs de Tunis. Pour Ben Soltane, du côté du Krib, tout n'est pas compromis, et la récolte pourrait s'avérer assez bonne, faute d'être excellente au vu des aléas de ce mois d'avril devenu un véritable cauchemar après tant d'espoirs nourris au cours des mois précédents. La récolte sera en tout cas tout juste moyenne en général, en céréales, mais en fourrage — au moins — elle est excellente. Sur ce plan, on n'aura pas de problème d'alimentation du bétail pour la prochaine année. C'est, en quelque sorte, l'année du bétail — ovin et bovin — et non des céréales !