12.490 Tunisiens ont été empêchés de rejoindre les foyers de guerre terroristes depuis mars 2013. Plus de 5.000 terroristes ont été arrêtés. Plus de 3.000 Tunisiens combattent dans les différentes organisations terroristes en Syrie. Mais on ne dénombre jusqu'ici que trois procès antiterroristes. Les propos tenus il y a deux jours par le ministre de l'Intérieur devant les parlementaires sont fort instructifs. Et effarants. La lutte antiterroriste ne fait que commencer. Et l'ampleur des chiffres est déconcertante. D'abord, le nombre de Tunisiens ayant été empêchés de rejoindre les rangs des terroristes en Syrie et ailleurs. Pas moins de 12.490 d'entre eux ont été empêchés de rejoindre les foyers de guerre terroristes depuis mars 2013, aux dires de M. Najem Gharsalli, ministre de l'Intérieur. Ensuite, plus de 5.000 terroristes ont été arrêtés ces dernières années, dont plus d'un millier au cours des deux derniers mois. Sans compter les 3.000 Tunisiens combattant dans les différentes organisations terroristes en Syrie. Un triste record mondial. Par ailleurs, M. Abada Kéfi, parlementaire et président de la commission générale de la législation, a donné des précisions déconcertantes. Il a affirmé avant-hier qu'aux dires du ministre de l'Intérieur, toute cette masse d'affaires terroristes ne s'est soldée jusqu'ici que par la tenue de trois procès uniquement. Ce qui en dit long sur le profil de la justice tunisienne en la matière. Il est utile de savoir que bien que «séquestrée» au Parlement pour refondation législative, la loi antiterroriste de 2003 est encore opérationnelle, du moins à l'échelle de la procédure. Et elle stipule précisément qu'en matière de terrorisme, seule la justice de Tunis est compétente. Ce qui est toujours le cas. Or, dans le seul rayon de compétence du parquet et des tribunaux de Tunis, il n'y a que huit juges d'instruction. C'est dire s'ils peuvent être efficients alors même que plus d'un millier d'affaires terroristes ont été déférées devant les instances judiciaires de Tunis au cours du premier trimestre 2015. Les terroristes, leurs sponsors et leurs séides bénéficient dès lors d'une espèce de sentiment d'impunité. Certains d'entre eux ont même été relâchés dans la nature à la faveur de décisions judiciaires. Ils ont tôt fait de rejoindre les groupuscules terroristes. Et sont passés à l'acte, comme dans le cas de l'assassinat de feu Mohamed Brahmi. Les forces de l'ordre ne comprennent pas. Quelques décisions les plongent tout droit dans le désarroi. Et elles le font savoir, d'une manière ou d'une autre. Pour les spécialistes et observateurs avertis, seule la mise en place d'un pôle antiterroriste est à même de juguler la tragédie. Parce que c'en est vraiment une. Il y va de la vie de gens innocents, de la paix civile, de la souveraineté des institutions, de l'avenir du pays. En même temps, les magistrats devraient bénéficier d'une protection rapprochée. L'expérience de plusieurs pays ayant confronté le péril terroriste en atteste, qu'il s'agisse de l'Italie, de l'Espagne, de la France ou de l'Allemagne. En vérité, cela présuppose la décision souveraine et résolue de la classe politique aux commandes du gouvernement. Or, plusieurs accords tacites ou non annoncés président à l'actuelle coalition gouvernementale. Il en résulte un brouillage délibéré des messages, des profils et des démarches. L'énoncé n'est pas de mise. La dérobade, le faux-fuyant et le semblant sont maîtres d'un jeu clair-obscur privilégiant le flou et les demi-vérités de façade. Pour l'instant, force est de constater que le ministère de l'Intérieur fait montre d'une fermeté à toute épreuve dans le combat antiterroriste. C'est le bilan initial provisoire de l'exercice de M. Najem Gharsalli, qui a tôt fait de renverser la vapeur en la matière par rapport à son prédécesseur. Mais cette diligence équivaut paradoxalement à des décisions judiciaires non exécutées. Du coup, le droit se perd et se délite dans les dédales obscurs. La politique politicienne en veut ainsi. En attendant le plein jeu des institutions souveraines.