Par Mahmoud HOSNI COMBIEN de manifestations d'amour, d'attachement «indéfectible» à la Tunisie n'a-t-on pas vues ! A chaque événement, des défilés interminables s'organisent, drapeaux hissés pour clamer haut et fort «Tunisie, Tunisie»... Mais à la lumière de ces faits, l'on finit par croire que ce ne sont là que slogans d'un jour qui sonnent faux. Parce que la Tunisie, cette terre sacrée et ancestrale, qui a tant donné sans pratiquement rien recevoir en monnaie de change, semble la grande oubliée dans ce combat pour la dignité, la liberté et la démocratie. Et les Tunisiens, versatiles, semblent attendre en retour de cet amour déclaré quelque chose de palpable, de concret : des augmentations salariales ou encore un emploi, alors que ce pays, miné par les grèves successives, les sit-in, se trouve aujourd'hui exsangue. Cela a commencé avec la fameuse Troïka, qui avait instauré deux jours de congé hebdomadaire à une armée de fonctionnaires, alors que la productivité est absente et que le travail est une valeur vouée aux orties. La Tunisie peut hiberner, suite à une décision tout simplement populiste, sans aucune étude approfondie de l'impact socioéconomique sur les rouages de l'appareil productif ou administratif... Une décision qui est loin de mettre le pays sur les rails du labeur et de redonner un sursaut de conscience aux Tunisiens. Une décision qui vient ralentir la machine de croissance, alors que le pays a besoin de la conjugaison des efforts de toutes les compétences et de toutes les forces vives pour la créativité et la mise en route de la productivité. Aujourd'hui, le tableau est triste et même sombre avec les grèves roulantes qui, tel un feu de brousse, se relaient d'un secteur à l'autre, pour se transformer en un cycle interminable de mouvements revendicatifs. Cerise sur le gâteau : chaque corporation réclame tout et tout de suite, comme pour compenser les pertes à gagner de 23 ans de dictature et de terreur. Les voix longtemps tues se sont libérées d'un seul coup pour rattraper le temps perdu, à l'heure où les caisses de l'Etat sont vides et où ce dernier a recours aux emprunts pour relancer des projets. Des revendications qui, parfois, tournent aux enchères : il y a quelques semaines, à Sfax, les salariés de douze entreprises industrielles se sont mis en grève par solidarité avec leurs collègues d'une entreprise parce que ces derniers n'ont pas trouvé un terrain d'entente avec leur direction générale. Du côté de la Société des phosphates de Gafsa et de l'unité de Gabès, c'est l'arrêt total de la production. Pas un grain de phosphate, alors que les emplois ont triplé, voire quadruplé. Des revendications qui, parfois, ont fini par créer une sorte de fracture sociale. Il y a, d'une part, ceux qui gagnent un salaire, même si c'est le minimum vital, et ceux qui sont à la recherche désespérée d'un emploi. Qui satisfaire en priorité ? Il y a là, certainement, un mur d'indifférence érigé par l'égoïsme et l'individualisme exacerbés à leur paroxysme, manière de dire «après moi le déluge». Et ce déluge ne risque-t-il pas finalement de nous emporter dans cette folie des tourmentes ?...