En ces temps difficiles où le pouvoir d'achat est en berne, une grande partie des Tunisiens pratiquent en cachette une double activité professionnelle. En marge de leur profession principale, de nombreux Tunisiens ont un petit boulot qui leur permet d'arrondir des fins de mois difficiles. Mais pas seulement, car le second travail peut révéler un talent caché. Cadre dans une entreprise en semaine et vendeur de chiens le dimanche à Moncef-Bey; enseignant, il fait de la figuration dans les feuilletons ou séries télévisés ou encore journaliste et traducteur. Pour assouvir une passion ou diversifier les expériences ou encore gagner plus d'argent, les Tunisiens sont de plus en plus nombreux à cumuler les emplois. Aucun centre d'études ne s'est penché sur ce phénomène. Cette pratique est très courante dans des pays comme l'Egypte, la France où l'on dénombre plus de trois millions de « pluriactifs », en Angleterre et même aux Etats-Unis où des sociétés proposent à des consommateurs, baptisés « mystery shoppers », de se rendre dans des magasins, restaurants ou cinémas pour évaluer la qualité des services proposés et la propreté des lieux, et ce, en contrepartie d'une poignée de dollars. La loi est-elle stricte ? Généralement, ce genre de petits boulots sont conciliables avec ceux ayant des horaires souples et une activité professionnelle peu contraignante. Les qualités qu'il faut avoir pour exercer un double emploi, c'est d'être souple et de savoir s'adapter. Le cumul de deux activités est autorisé par la loi, surtout s'il s'agit d'activité culturelle et d'intérêt général. Un congé culturel limité dans le temps est délivré par le patron permettant à l'intéressé d'être à la disposition de la seconde activité. Cyrine, 25 ans, est architecte d'intérieur. Elle est passionnée par les animaux. Depuis qu'elle était étudiante, elle gardait des chiens et des chats confiés par les propriétaires qui avaient une obligation. « Je gagnais bien ma vie avec ce petit job. Aujourd'hui encore, je continue à garder les animaux parce que je suis encore à mes débuts dans mon travail d'architecte. La seule contrainte : l'obligation de rentrer directement chez moi après le travail pour m'occuper de mes pensionnaires, ce qui me prive d'une sortie avec les amis ». Mohamed Aziz, 32 ans, est père d'un enfant. Il est employé dans une entreprise privée. Les horaires sont stricts. En fin d'après-midi, après le travail, il rentre chez lui à la banlieue nord de Tunis, change de costume et, en compagnie d'un copain, il se rend au large pour pêcher du poisson qu'il vend aux restaurants. « Cette activité me rapporte de l'argent qui me permet de joindre les deux bouts parce que mon salaire est misérable ». Passion ou obligation ? Skander, 28 ans, est magasinier dans une société. Il travaille à mi-temps et consacre le reste de la journée et de la soirée à son second job, serveur dans un café. « J'ai en charge ma mère qui ne travaille pas et ma sœur, lycéenne. Je dois payer le loyer, les factures d'électricité et d'eau, les courses, la scolarité de ma sœur, etc. Mon salaire ne le permet pas, c'est pourquoi j'ai accepté ce boulot contraignant certes mais me donne la possibilité de faire des connaissances intéressantes avec certains clients, qui sont devenus à la longue de véritables amis ». Cette seconde activité, même si, parfois, elle correspond à une obligation et non pas à une véritable passion, sauve certaines personnes de la précarité et de la misère. Ceux qui pratiquent ce genre d'activités restent discrets par rapport à leur entourage professionnel qui voit d'un mauvais œil cette pratique.