Par Brahim OUESLATI On attend beaucoup de ce dialogue national sur l'éducation dont le démarrage a péché par une mauvaise organisation et l'exclusion, sous la pression d'un des coorganisateurs, de certaines parties comme l'organisation patronale et les partis politiques, pour des raisons pas tout à fait plausibles. Alors qu'il est censé être ouvert à toutes les composantes de la famille éducative et de la société en général. Même les inspecteurs, censés être au cœur de l'opération, se sont plaints d'avoir été mis à l'écart. Les universitaires, les experts en la matière et d'autres n'ont pas été impliqués de près ou de loin dans cette opération. Pourtant, à entendre le ministre et son porte-parole, ainsi que les représentants des syndicats et de l'Institut arabe des droits de l'Homme, on a l'impression que tous les Tunisiens ont été conviés à cette « joute ». Ce mauvais démarrage trouve son explication dans l'approche même de la question ainsi que dans la démarche adoptée, marquée par la précipitation et un certain amateurisme. Deux inspecteurs généraux de l'éducation ont confié que « les préparatifs ont été marqués par une certaine légèreté et par l'improvisation ». Or, ajoutent-ils, « une réforme aussi importante exige un minimum de temps de préparation avant d'engager un dialogue en profondeur qui n'exclurait aucune partie. En plus, il y a beaucoup de non-dit dans ce dialogue, qui en l'initiateur et le chef de file et qui en sera l'exécutant ? » Un forum de cette importance, ça se prépare bien à l'avance et rien ne devait être laissé au hasard. Eviter les replâtrages thérapeutiques Aux grands maux, les grands remèdes, dit-on. Et aux grandes réformes, les gros moyens, disons-nous. Or, et il n'est un secret pour personne, les caisses de l'Etat sont vides et le gouvernement fait face à la montée des revendications et de la grogne sociale. Le budget du ministère de l'Education se réduit comme peau de chagrin et de 30% du budget général de l'Etat, il est tombé à 15% actuellement dont 95% vont aux salaires. Le diagnostic est connu et les difficultés sont là qui s'amoncellent d'année en année. Plusieurs études et rapports ont été réalisés qu'il ne faudrait pas négliger, mais plutôt s'y inspirer et impliquer leurs auteurs dans la réflexion. Et si les précédentes réformes n'ont pas abouti aux résultats escomptés, c'est essentiellement pour des raisons budgétaires. Comme si on faisait appel au meilleur architecte du monde pour faire le plan d'une villa, mais si on n'avait pas les fonds nécessaires et les artisans qualifiés pour le concrétiser, on risquerait d'avoir une maison difforme. Le ministre promet déjà qu'à la prochaine rentrée les premières mesures de la réforme seront mises en place. Or, si notre école qui va de plus en plus mal et qu'elle s'est enlisée dans une situation difficile c'est, notamment, à cause de l'inconstance des options, la contradiction des décisions successives et les replâtrages thérapeutiques. D'ailleurs, l'actuel ministre n'a-t-il pas annulé une décision hâtive prise par son prédécesseur à la veille de son départ de rétablir le concours de la « sixième ». On ne doit pas badiner avec l'avenir de nos enfants. L'école est un tout qui gravite autour d'un élément central qui est l'élève. Toutefois, les progrès impressionnants de la scolarisation sur le plan quantitatif se sont accompagnés de nouveaux défis sur le plan de la qualité et de la persistance d'importantes disparités entre les régions. On ne doit pas nier les efforts fournis depuis les premières années de l'indépendance pour améliorer la qualité de notre enseignement et réformer la gouvernance de notre éducation. Cependant, malgré les moyens importants mobilisés, les résultats sont décevants. Encore faut-il en tirer les enseignements nécessaires pour éviter de tomber dans les mêmes erreurs. Une réforme a besoin de temps et de moyens pour porter ses premiers fruits.