A chaque apparition, il séduit ces grands enfants que sont les amateurs d'art. Il fait ramper les lézards rouges, tourner les hélices fantômes, s'agiter les trompes d'éléphants nains, chanter les chapelets de pierre, et s'incliner les fleurs sous le souffle d'un vent inexistant. Noutayel est incontestablement un magicien. Mais un magicien qui maîtrise l'ingénierie, la cinétique, la robotique peut-être, enfin tous ces mots en «ique» qui sont censés ne pas laisser place au hasard. Mais dont lui, parce qu'il est magicien, parvient à faire de la poésie. Dieu sait que ce n'était pas sa volonté première. Noutayel, comme tout le monde, va à l'université, apprend ce qu'on lui dit être dans l'air du temps, c'est-à-dire «les relations internationales», décide de partir au Canada, et première entorse d'un destin farceur, se retrouve ... en Ukraine à l'université Polytechnique. Ce poète, qui rêvait en couleurs et en mouvements, décroche un diplôme d'ingénieur en électronique industrielle et automatisme. Qu'importe, il allait très vite découvrir que les machines aussi peuvent rêver et faire rêver. On le rencontre pour la première fois dans un espace improbable, aujourd'hui hélas disparu, Le 14, galerie d'art installée courageusement en plein cœur du quartier industriel de La Charguia, et qui lui permit peut-être de s'immerger dans cet univers de métal, de vis et de boulons. Aujourd'hui, après quelques fugitives apparitions qui, chaque fois, séduisirent ces grands enfants que sont les amateurs d'art, il expose galerie Ghaya. Là, Aycha Ben Khalifa et Amira Trabelsi lui ont offert un espace à la mesure de sa fantaisie : des murs tendus de noir, des tables lumineuses, des leds ciblés, une vitrine de charbons laqués créent un véritable cabinet de curiosité où ses animaux imaginaires, ses créatures oniriques, ses compositions surréalistes s'épanouissent et nous charment.