Exposition «Dé-figurés» de Hafedh Jerbi à la galerie Aire libre d'El Teatro : des tableaux reflétant des successions d'âmes, se voulant universels dans un monde en pleine effervescence. «Ai-je peint un mort vivant, un vivant-mort ?», une question de Nicolas de Staël que se pose toute une génération de peintres contemporains et qui a probablement aussi hanté Malevitch et bien d'autres... Le travail récent du jeune artiste — peintre Hafedh Jerbi, que nous avons pu découvrir à la galerie Aire libre d'El Teatro, axé sur le portrait, vous intrigue et puis vous hante de la même manière et dans ce même sens. Il y donne à voir des portraits de personnes qu'il côtoie peut- être ou rencontre au gré du hasard ou qui semblent naître de son imaginaire car la peinture est, selon lui, source de liberté et de rêve. Dans ses œuvres, l'espace derrière les personnages «morts - vivants» est d'ailleurs souvent blanc, afin de représenter l'esprit infini de l'artiste qui réanime des tableaux sans vie, leur donnant une âme et un sens. De toute évidence, figuratives, ses œuvres, lorsqu'on les observe d'un peu plus près, deviennent quasi abstraites. C'est un tout autre univers qui nous est dévoilé. On distingue davantage les couleurs et on perd la forme. Notre regard se laisse guider par la dynamique des lignes courbes qui composent le tableau. L'ensemble devient complètement abstrait, le sujet n'a plus d'importance, seule la vibration des couleurs et du mouvement compte. Et chaque tableau est complété par un élan très gestuel, très impulsif que le peintre charge d'énergie, d'émotion. À ce moment, il s'efforce d'abandonner toute forme de contrôle et laisse l'œuvre lui dicter ce dont elle a besoin pour être entière. Du noir, beaucoup de noir qui pourrait glacer ou faire taire les nuances de sentiments, laisse, bien au contraire, jaillir des émotions et des questionnements : froid constat que celui de notre condition humaine ? Plutôt l'essence même de la création, ici sans cesse questionnée. Ces tableaux mettant en scène des figures, figurées et défigurées, peuvent être kitsch ou sont en phase de le devenir. L'art n'a, en effet, pas de norme. Ici, le beau et le laid n'existent pas. Son art est l'expression de la vie. Chaque trait de peinture déposé sur la toile est un mélange d'inspiration, d'intentions et d'émotions qui se joignent aux aléas de la vie pour créer des œuvres vibrantes d'énergie et remplies d'émotion. Venus des méandres cachés de la mémoire et de l'imagination, ces portraits «fantômes» d'un ailleurs insaisissable ne laissent pas indifférent. Ils sont d'ailleurs choisis pour la vie et l'énergie qui en émanent. Parfois subtile, parfois presque palpable, l'énergie qui se dégage de ses œuvres est l'essence même de ce travail. Le visage ou le corps dans leurs expressions deviennent sa ligne artistique. Sensibilité et sincérité se dévoilent dans cette peinture où s'opposent force et douceur. Le trait noir est son empreinte et les ombres en ressortent plus marquées. Le noir a ses couleurs que le peintre sait, avec émotion, nous faire découvrir. L'exposition est visible jusqu'au 27 avril.