On continue à épiloguer sur le modèle à suivre pour couvrir les attentats terroristes «Les dernières nouvelles sur l'assassinat de nos deux confrères Soufiane Chourabi et Nadhir Ktari, enlevés depuis septembre en Libye, nous sont tombées dessus comme une foudre. En ce 3 mai, fête de la liberté de la presse, l'on ne sait pas si on avait droit à une minute de silence en hommage à leur mémoire ou si l'on doit se contenter de s'impatienter jusqu'au retour des enquêteurs judiciaires tunisiens envoyés à Tripoli... De toute façon, l'on ne veut que la vérité, rien que la vérité», c'est en ces termes, prononcés dans la douleur, que M. Mahmoud Dhaouadi, président du Centre de Tunis pour la liberté de la presse (Ctlp), avait ouvert un point de presse sur la présentation par le centre d'un premier rapport sur les médias tunisiens et le terrorisme. Lequel rapport intervient, aujourd'hui, au moment où tant de projets de loi, liberticides, menacent la liberté d'expression et favorisent le retour de la censure et du musellement à l'encontre des médias. Il est le fruit d'un travail d'une vingtaine de journalistes tunisiens réalisé au bout de six mois sur les déontologies professionnelles et l'autorégulation en relation avec la couverture médiatique des faits terroristes. L'attaque contre le musée du Bardo y est prise comme exemple révélateur des torts et des raisons d'un corps révolutionnaire en quête de repères. D'après M. Dhaouadi, ce rapport tel qu'établi par nombre de médias nationaux, dont le quotidien «La Presse», est une première qui se veut, à vrai dire, une sorte de charte journalistique propre à la couverture des attentats terroristes. Et là, autant d'interrogations se posent : sommes-nous contraints à prendre une position claire à l'égard de ce phénomène qui s'installe déjà dans nos murs ? Aussi, faut-il bannir l'intégrité dans nos comptes rendus sur le terrorisme? A contrario, peut-on être accusé d'apologie et de connivence? A cet égard, la polémique n'en finit pas de prendre de l'ampleur. Toutefois, le rapport en question a tenté d'y apporter réponse, mais dans la diversité d'avis et d'opinions des hommes des médias. Soit, un projet créatif basé essentiellement sur une large contribution des professionnels lors des sessions de formation successives, ainsi commente Dr Sadok Hammami, universitaire en sciences de la communication à l'Ipsi, mais aussi chef de l'équipe réalisatrice. Et ce à la faveur de son encadrement, en s'inspirant des expériences comparées en la matière. Côté financement, l'Unesco s'en est pleinement chargée, en guise de soutien aux médias tunisiens dans la lutte antiterroriste. Et M. Hammami de vouloir donner aperçu sur les grands chapitres du rapport, faisant état d'observation de la couverture médiatique des événements terroristes. Cela s'appuie sur un échantillon aléatoire des médias parus du 18 mars 2015, jour de l'attentat du Bardo jusqu'à une semaine d'après. Un choix d'une méthodologie bien limitée dans l'espace et dans le temps. L'objectif consiste en l'étude des cas d'articles, de photos, de témoignages utilisés, de sources d'informations autorisées et leur impact sur le public cible. L'essentiel : peser le pour et le contre, afin de pouvoir sortir d'un document unifié servant comme référence d'amélioration de l'autorégulation journalistique. L'autre chapitre est bien un questionnaire élaboré par ledit groupe de journalistes, dans la perspective de sonder les impressions et les positions de la corporation vis-à-vis de la question du terrorisme. Dans ce cas d'espèce, le sens de l'exclusivité dans l'information (scoop, buzz, titres incitatifs...) est fortement défendu. Il importe de noter que plusieurs modèles français, américains et autres ont été retenus en exemples à suivre. A titre indicatif, les décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel en France sur la couverture de l'attentat contre Charlie Hebdo ont été prises en annexes dans le rapport. Un tel rapport sur les déontologies et l'autorégulation dans les médias a dévoilé un manque de mécanismes exécutifs de pareille charte dans les entreprises médiatiques. Faute de comités et conseils de rédaction, une ligne éditoriale bien précise, mais aussi d'un conseil de presse qui tarde à venir, le combat des médias n'aura pas de poids. Ainsi, les intervenants ont été unanimes sur ce point.